Rester vivant @Théâtre du Rond-Point, le 20 Décembre 2014

Préparez-vous à entrer dans la salle Roland Topor. 
Vingt et une heure a déjà sonné.

Il fait nuit. Une nuit noire s’est abattue, le voyage durera deux heures et demie. Pas d’échappatoire. Que vous ayez les yeux clos ou les yeux ouverts, la vision est la même.

Seule la voix d’Yves-Noël Genod se fait guide. Il alterne poèmes et commentaires sur l’œuvre de Charles Baudelaire. Il tousse, il répète, il fait revivre l’âme du poète. Lucidité et spleen sont retrouvés pour nous emporter.

Toute la beauté des textes du poète ressurgit dans cette obscurité provoquant la concentration. L’intimité entre le spectateur et le poète se créée. Les vers du recueil Les Fleurs du mal traversent les spectateurs, les font peut-être tressaillir. Tantôt la voix murmure, tantôt elle crie.

Dans ce noir absolu, Genod fait quelques pas, déambule, veille sur les voyageurs. On note quelques apparitions phosphorescentes, rappelant le fantôme du poète qui erre. Ce voyage n’a pas de réelle destination en revanche il a un objectif : nous rendre encore plus vivants.

Il ne faut pas chercher le sens, le noir nous rend égaux pendant qu’un homme tente d’élever nos âmes. 

Carmen @Théâtre du Rond-Point, le 16 Décembre 2014


Un an après avoir présenté Swan Lake, Dada Masilo réinvestit la grande salle du Théâtre du Rond-Point pour proposer sa version d’un autre classique. Cette fois-ci, il est signé Georges Bizet, il s’agit de Carmen.

Toujours dans l’optique d’aborder les problèmes sociaux que les grands classiques ont toujours su mettre en avant, Dada Masilo réunit les questions de sexe, de manipulation, d’ambition et de mort que soulève l’œuvre de Bizet.

Carmen de Masilo est à la rencontre de différentes danses ; africaine, classique et flamenco ! Si ce mélange peut surprendre, le défi est plutôt réussi. Pas moins de quinze chorégraphes dans leurs costumes hauts en couleur font preuve d’une énergie détonante.

Si les thèmes sont plutôt graves, Masilo a su poser quelques moments humoristiques notamment dans les dialogues entre les personnages. Les confrontations hommes/femmes rappellent les affrontements dignes de West Side Story. Ils ne sont pas violents. 
Duos charnels, solos ou ensembles s’enchaînent, offrant ainsi des tableaux aussi différents les uns que les autres.

La scène du viol reste particulièrement bestiale, crue. Elle correspond donc à l’image du souhait de la chorégraphe qui ne voulait pas se montrer timide à propos de quoi que ce soit, confiait-elle dans sa note d’intention.


Le spectacle s’ancre dans l’actualité, les prochains ne pourront que suivre cette voie. Le traitement en est donc réussi. 

Le Langage des Viscères #25 @Auditorium Saint-Germain, le 06 Décembre 2014


Encore une soirée Le Langage des Viscères, la dernière de cette année 2014 ! 
Cette fois-ci on retourne à l'Auditorium Saint-Germain. 

Au programme : 
Exposition photos sur la thématique "Rien n'est plus trouble que la grâce", une performance VJ mêlée à de la danse butô "La rose est sans pourquoi", une performance de danse "Cassandre", des lectures, des projections de courts-métrages et pour finir le concert des Soror Dolorosa.

"Rien n'est plus trouble que la grâce", un thème fort poétique qui promet des photos très esthétiques. Un collectif de photographes explore ce sujet en prenant majoritairement des femmes pour modèles. A la rencontre des flous artistiques, juxtaposition des corps et des grains photographiques. Ici, la grâce c'est avant tout l'élégance. Les photographies mêlent poésie, rêverie voire fantasmes colorés.

La soirée commence avec en exclusivité la performance "La rose est sans pourquoi" puisant son inspiration du poème d'Angelus Silesius Extraits ici ]. Dorianne Wotton signe à nouveau une manipulation vidéo hypnotique sur une musique atmosphérique interprétée au synthé en direct par Amine Boucekkine. Sons stridents, puissants et chœur saint se mêlent à la délicatesse des mouvements d'Anaïs Bourquin. Plus intime, plus gracieuse Anaïs Bourquin fait disparaître la violence du butô au profit d'une élégance, un minimalisme plus grinçant. Ses mouvements sont plus lents, plus délicats. Une rose qui s'ouvre. 

La poésie se poursuit avec Juliette Morel - qui avait déjà participé le 24 janvier dernier en proposant L'Attente - avec une création s'inspirant du texte de Friedrich Schiller; Cassandre. Juliette Morel choisit de mélanger vidéo et danse. Un écran diffuse des images d'elle courant sur une plage, trébuchant, chutant. Le décor est en noir et blanc, seule sa robe ressort de par sa couleur rouge. La création est toujours aussi saisissante, les mouvements sont élégants, les figures sont parfois au sol. La danseuse fixe son public avec intensité, les émotions sont là. Cassandre c'est une prophétesse maudite, rejetée. Ce qui explique les chutes minutieuses. 

Après ces deux grands temps forts, Amine Boucekkine revient sur le plateau de l'auditorium et clame un texte poético-philosophique sur la notion du désir. La pureté de ce mouvement humain est questionnée. Ce sentiment à la fois fort et imparfait, si souvent lié à l'amour. 

S'en suit la projection de deux courts-métrages : 
Rêvalités une collaboration entre le travail photographique de Julie de Waroquier et du travail cinématographique de Damien Steck. Une promenade dans un univers entre le rêve et la réalité d'une esthétique remarquable. 

Matin lunaire un court-métrage hypnotique, psychédélique réalisé par Clément Oberto sur la musique du groupe électro Plaid

La soirée s'achève sur le concert du groupe français Soror Dolorosa. Un groupe s'inscrivant dans la lignée coldwave digne des Cure dans leur période Pornography. Soror Dolorosa dégage ainsi une belle énergie scénique. Le public ne pouvait qu'en demander encore. [ Soror Dolorosa et son titre Dany @Auditorium Saint-Germain ]

Rendez-vous les 20 et 21 mars prochain au MPAA Broussais ! Une programmation lourde vous attend !








Clod et son Auguste @Comédie Nation, le 12 Décembre 2014


Clod (Baptiste Roussillon) est un clown, taquin à souhait qui aime faire rire les enfants. Il ne peut pas vivre sans son Auguste et inversement.  Mais un jour, la ville est occupée par la milice. Progressivement, son monde s’effondre et laisse place à la terreur. Ses amis quittent le cirque, les soldats sont agressifs.

Baptiste Roussillon incarne avec justesse ce personnage rattrapé bien trop vite par la réalité. C’est un heureux personnage qui progressivement se fait violenter. Si le début du spectacle est un moment léger, il bascule lentement vers le drame. Le comédien seul en scène, dévoile son talent pour les mimiques. Les grimaces du clown deviennent celles d’un homme qui souffre. Roussillon, par sa maîtrise du rythme, parvient à tenir ses spectateurs en haleine, qui n’osent plus faire échapper un rire.

Loin du spectacle enfantin, Stanislas Cotton signe un texte très dur et dérangeant. Percutant est également l’une des caractéristiques de cette pièce. 


La mise en scène de Vincent Goethals est au plus proche de son personnage ; un miroir pour faire face à son double, un escabeau pour prendre de la hauteur, tenter de fuir et un seau. Les codes du costume de clown sont bien au rendez-vous ; le nez rouge, le maquillage et les grandes chaussures. 

Bad Little Bubble B. @Théâtre du Rond-Point, le 05 Décembre 2014



Dans une mise en scène de Laurent Bazin, cinq comédiennes (Cécile Chatignoux, Céline Clergé, Chloé Sourbet, Lola Joulin et Mona Nasser) se prêtent au jeu de la performance artistique sur la thématique centrale : la pornographie.

Le spectacle est une succession de scénettes qui balaient les sujets connexes. Corps nus sur une scène nue. Seules les lumières font office de décor. Cinq comédiennes se prêtent au jeu avec un ton décalé et arrivent à nous interroger sur le rapport entretenu avec notre corps.

Ici, pas de provocation ! On assiste à des parodies de conférence universitaire sur la pornographie, casting pour un film pornographique avec le cliché de l’actrice originaire des pays de l’Est, tout y passe !

C’est peut-être cru mais au fond, le traitement, lui, est poétique ! Bad Little Bubble B est un titre qui nous fait penser aux balbutiements. Balbutie-t-on lorsqu’on est surpris en pleine vision de film pornographique ? La honte nous parcourt quelque peu et on finit par bafouiller. 

La petite histoire @Théâtre de verre, le 30 Novembre 2014


La petite histoire c'est celle qu'on ne veut pas ressasser tant elle est douloureuse. 
Pourtant on s'efforce, persuadés qu'on pourrait aller mieux. 

La scène se déroule dans des tombeaux, Montaigue (Morgan Floc'h) et Capulet (Alain Leclerc) sortent de leurs cercueils, s'arment de courage et racontent la petite histoire à la mémoire de leurs enfants qu'ils ont destiné à mourir. Ils ne peuvent oublier la haine de leurs familles respectives. 
Tout est évoqué : les bagarres, les provocations,l'exil pour finir par la mort. 
Ils sont rongés par le mal qu'ils ont infligé à leurs enfants. 
Roméo (Wilhem Mahtallah) était fou de Juliette (Alexandra Branel), il n'adressait plus la parole à sa mère avec laquelle il était si proche et Juliette forcée d'épouser Paris. 

Le plateau est sobre, l'éclairage - signé Laëtitia Favret et Francis Bôquet - est assuré par des bougies alignées sur toute la longueur de la scène. L'ambiance funèbre est au rendez-vous. 
Rémy Lesperon signe une composition sonore minimaliste; un jeu entre les échos et une sonorité précieuse, interprétée de moitié en direct. 

Capulet et Montaigue sont vêtus de noir, leurs yeux sont marqués, un vrai style gothique; dentelle et cuir - confectionnés par les mains de Jarno Eslan - . Leurs enfants font contraste et la pureté de leurs âmes se voit : Juliette porte une robe blanche, Roméo porte un costume alliant noir et blanc. 

Guillaume Moreau retranscrit au mieux le texte d'Eugène Durif, noir et tragique. Il y introduit une scène de commedia dell'arte qui trouve justement sa place. 

Les comédiens sont tous à la hauteur et porteurs d'une intensité certaine. Morgan Floc'h se fait mère rongée par le remord, elle aurait aimé comprendre son fils, nostalgique de l'innocence de ce dernier lorsqu'il était enfant, Alain Leclerc interprète avec l'aide de sa voix singulière un père robuste pourtant sensible et le duo amoureux, si jeune, si sensible, ils sont bien assortis. 

La compagnie Le Festin de Saturne souhaite arpenter les routes pour atteindre Avignon, souhaitons leur bon vent, ils sont en bonne voie !