Combat de nègre et de chiens @Théâtre Jean Arp (Clamart), le 19 Janvier 2016


© Christophe Raynaud de Lage
Le contemporain Bernard-Marie Koltès revient sur les devants de la scène pour ce début d’année 2016. Premier arrêt à Clamart au Théâtre Jean Arp qui accueille Combat de nègre et de chiens, l’un des textes inspiré des voyages en Afrique de son auteur. Le metteur en scène Laurent Vacher s’est emparé du texte en ayant bien conscience qu’un certain Patrice Chéreau s’en était épris quelques années auparavant. Choix audacieux que de marcher dans l’ombre laissée par le metteur en scène disparu.  

La langue koltésienne a quelque chose qui a et fascinera toujours. Les acteurs doivent pouvoir saisir sa maîtrise des silences, des mots, des tonalités.
Combat de nègre et de chiens se déroule dans un pays d’Afrique de l’Ouest, sur un chantier des travaux publics. Vacher respecte la présence d’une caravane, d’une terrasse où on observe un baril en guise de table où l’on passe le temps en jouant aux dés, pariant de l’argent et du bougainvillier qui sépare les deux univers. Des ventilateurs fonctionnent à plein régime « le bruit de l’Afrique » . Il habille son décor avec une trame sonore – signée Michael Schaller et Théau Voisin -  qui percute les spectateurs, elle se veut à la fois lourde et sombre accompagnée de bruits qu’on caractériserait de naturels. Elle rappellerait presque les westerns.

Un ouvrier noir, Alboury (Dorcy Rugamba) réclame la dépouille de son frère mort sur le chantier. Le responsable des travaux, un blanc, Horn (Daniel Martin) ne peut pas lui rendre et encore moins son collègue Cal (Quentin Baillot), sur qui pèse la responsabilité de la mort. S’immisce alors au cœur de ce trio, Léone (Stéphanie Schwartzbrod), l’unique femme qui a suivi aveuglément Horn en Afrique dans l’espoir d’un futur mariage. Chaque personnage se confronte à son étrangeté le temps d’une nuit. Une femme dans un monde d’hommes, des hommes blancs face à un noir, tous s’affrontent. Les mots sont devenus des armes.

Le jeu de Quentin Baillot est intense, son personnage évoluant au fil de la pièce en harmonie avec la poussée dramatique. D’un Cal quelque peu espiègle, qui préfère noyer son désarroi dans quelques verres de whisky, on bascule graduellement dans la gravité. Daniel Martin livre un Horn dont les responsabilités sont fragilisées, humaniste au fond de lui rejoint par un Dorcy Rugamba plutôt sage mais inquiétant par son aspect de rôdeur. Léone est endossée par une Stéphanie Schwartzbrod sensible, piégée par une certaine naïveté sur l’Afrique dans les premiers temps de la pièce. 
Vacher parvient à s’acquitter de la version de Chéreau, en proposant sa propre lecture dans un jeu d’ombres. 

Hikikomori - Le refuge @Théâtre Monfort, le 23 Janvier 2016


Mais qu’est-ce que l’hikikomori ? C’est une expression qui voit le jour chez nos voisins japonais dans le début des années 1990, elle se définit comme un phénomène sociétal qui touche principalement les adolescents mais qui petit à petit atteint les jeunes adultes. Il consiste à s’enfermer dans sa chambre pendant une période indéterminée. Ca sera cette pathologie qui a attiré la curiosité du metteur en scène Joris Mathieu.

Un même spectacle, 3 récits possibles. Mais comment est-ce réalisable ? Avant d’entrer en salle un casque audio est tendu à chaque spectateur, libre à lui de choisir le récit selon son âge : le point de vue parental par le biais de la voix paternelle, celui du héros qui raconte sa « version », tente de s’expliquer comme il peut ou encore le format conte philosophique pour enfant avec la douce voix maternelle. 

Chaque spectateur vit donc une expérience théâtrale qui lui est propre, elle lui est comme chuchotée, ce même spectateur devient au centre de tout, à lui de dégager une compréhension propre et de la partager avec son voisin.
Parents, vous ne pourrez pas porter le même regard que votre enfant, c’est une évidence qui se voit renforcée par la différence de narration.

Nils est un ado comme les autres. Jusqu’au jour où il est rentré à la maison après l’école et qu’il s’est enfermé dans sa chambre pour ne plus en sortir.  Inquiétude parentale oblige, ses parents suivent précisément les pensées de leur fils.

Au niveau de l’espace scénique, tout se déroule entre deux portes. Et derrière un voile de tulle s’animent les rêveries, les pensées du jeune Nils que l’on se surprendra à voir danser entre les buildings de la ville, ces chimères entraînent les spectateurs dans un monde poétique. Puis, les parents pénètrent dans l’intime du jeune garçon en forçant la porte, ils se suivent jusqu’à arriver dans un bois. La forêt comme symbolique d’une quête initiatrice, identitaire sans doute.

En une heure, Joris Mathieu parvient à faire oublier les notions de temps et de lieu. Son spectacle invite au voyage. Véritable fable de vie, il parvient à créer une ambiance innovante en faisant usage des nouvelles technologies habilement.


Et vous, quelle histoire seriez-vous prêts à entendre ?