Angelus Novus Antifaust @Théâtre national de la Colline, le 11 Novembre 2016


Sylvain Creuzevault pose à nouveau ses bagages au Théâtre de la Colline pour un mois. Et quand il est de passage, il laisse des traces. Après avoir proposé sa vision de l’essai de Karl Marx dans Le Capital et son singe, le collectif revient avec encore plus d’audace. Trois heures de spectacle dans lesquelles il s’est emparé de tous les Faust pour n’en faire qu’un : l’Antifaust !

Sur fond d’actualité toujours aussi politique, le jeune metteur en scène mêle la ZAD de Notre Dame des Landes au soulèvement populaire qu’était il y a encore quelque temps Nuit debout. On a tous nos démons. Angelus Novus AntiFaust nous le rappelle. L’œuvre de l’écrivain allemand avait déjà son lot d’extravagance, la pièce qui compile tous les mythes n’en est pas moins chargée. La pièce de Creuzevault est riche, se lit comme une aventure poétique. Loin d’être gaie, elle s’engouffre dans des questionnements politiques. Qu’ils soient scientifiques ou musiciens, les personnages sont en quête d’un rêve suprême pas nécessairement inatteignable.


Cette quête s’accompagne de son lot d’improvisations qui trouble le spectateur. Le mini opéra qui ouvre la deuxième partie le raccroche au thème central. Le spectacle s’achève sur un plateau qu’on retrouverait chez le metteur en scène italien Romeo Castellucci ou encore chez son camarade Vincent Macaigne. Le collectif est plein d’énergie et de fougue. C’est avec ces mêmes qualités qu’il parvient à faire naviguer le spectateur entre les différentes émotions. 

Dom Juan @Théâtre de l'Odéon, le 23 Octobre 2016


© Jean Louis Fernandez

Il est impossible de se lasser des grands classiques. Le fait qu’ils soient intemporels les rend indestructibles. Le metteur en scène Jean-François Sivadier a choisi de s’emparer du texte de Molière Dom Juan en confiant le rôle titre au charismatique Nicolas Bouchaud.    

La fidélité, Dom Juan la connait. Du moins, c’est l’une des valeurs qu’il s’applique et à lui seul. Pour le reste, autant se laisser guider par la liberté. Il n’a peur de rien. Sexiste et libertin, manipulateur et menteur, la morale ne lui fait absolument aucun effet. Il est suivi dans toutes ses aventures par son acolyte Sganarelle – interprété par Vincent Guédon – sans pour autant être nécessairement soutenu. Entre attirance et répulsion, Dom Juan s’attire les foudres autour de lui.

La mise en scène est contemporaine. Aux allures de dandy rock’n’roll, Nicolas Bouchaud porte un Dom Juan ancré dans son époque, impertinent au possible – on notera par ailleurs la lecture d’un autre homme de lettres bien taquin j’ai nommé le Marquis de Sade et la performance musicale improbable : Sexual healing de Marvin Gaye -. Dans le genre valet maladroit, drôle et parfois touchant, Vincent Guédon s’en donne à cœur joie. Le duo marqué par les oppositions et contrastes évolue dans un décor qui, de scène en scène, vacille jusqu’à son effondrement intégral. En hauteur est suspendu un panneau lumineux où des chiffres défilent à la manière d’un décompte. Mais que décompte-t-il ? Le nombre de fois où le mot « ciel » est prononcé. Le seul bémol réside dans la scène du blasphème où l’aspect contemporain est attendu au tournant. Sivadier minimise et aurait pu aller plus loin dans l’excès. 

Bien sûr outre le duo Don Juan/Sganarelle, les autres personnages participent tout autant au charme de la pièce. Burlesque, le couple de paysans rencontré en chemin est un régal. Stephen Butel et Lucie Valon forment un duo clownesque. Elvire est jouée par une douce Marie Vialle.