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Orestie (une comédie organique ?) @Théâtre de l'Odéon, le 12 Décembre 2015


On n’aura pas fini d’entendre parler du metteur en scène italien Romeo Castellucci. Vingt ans après sa naissance à Prato, l’homme de théâtre remet le couvert et cette fois-ci en qualité de grand invité du Festival d’Automne. Castellucci ne se contentera donc jamais de mettre en scène un texte ; il s’en empare, il veut le voir émerger de ces comédiens. Ces derniers l’ont dans la peau. L’Odéon se fait hôte de la tragédie grecque.

Le premier acte se déroule dans une ambiance sinistre, apocalyptique. C’est oppressant. L’environnement sonore n’est pas là pour décompresser : canons, tirs, cris… Dans l’obscurité se déroule l’horreur : on roue de coups Clytemnestre – obèse qui prononce ses tirades au ralenti -, le Lapin Coryphée finit par périr en se noyant dans son propre sang. D’autres sont suspendus tels des morceaux de viande dans une chambre froide de boucherie. La bande son signée Scott Gibbons est ténébreuse, violente elle aussi et ne fait que renforcer le climat angoissant.
L’entracte permet au public de reprendre ses esprits. Pour certains spectateurs, c’est le moment ou jamais de retirer les boules quies proposés par le personnel du théâtre. D’autres seront encore secoués. 

Dans un second acte plus lumineux, mais sous le signe du silence, l’ambiance se recentre sur deux couleurs : le noir et blanc. La gestuelle est comme mimée, les comédiens ont des mouvements quasi machinaux. D’un cercueil boisé surgit Agamemnon réincarné en bouc soumis à la respiration artificielle. Elle est activée par Oreste. Le même qui commettra l’assassinat avec son bras mécanique.   

Le troisième et dernier acte se déroule à rideau noir abattu. Suspendu, un hublot le transperce et fait voir un autre univers. L’au-delà où l’on retrouve les divinités : Athéna, Apollon et Hermès. Au-dessus, on entend des singes s’agiter dans une cage. Que serait une pièce de Castellucci sans animaux ? Ici on compte tout de même un cheval, une ânesse, deux singes et serait-on tenté de compter Agamemnon dans sa réincarnation.

Le résultat est monumental, l’italien est l’artiste accompli : performance visuelle, plastique, auditive. Il sait s’emparer de l’Art. Il a ce don de faire vivre des expériences uniques, aussi étranges soient-elles. Il sait bousculer les spectateurs et ne pourra s’arrêter de les surprendre. Les applaudissements bruyants sont au rendez-vous.  





Une pensée pour Luc Bondy 
[ 1948 - 2015 ]