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Le Jardin des délices @MC93, le 20 Octobre 2023

Heureux les chanceux festivaliers qui ont pu voir la création du plasticien Philippe Quesne en plein air dans la Carrière de Boulbon à l'occasion du Festival d'Avignon ! Non pas que la salle Oleg Efremov de la MC93 ne fasse pas l'affaire mais le décor naturel en valait clairement la chandelle. 

© Martin Argyroglo

Un autocar. Un œuf géant. Une plage. Huit explorateurs au look de cowboys équipés de pelles et de pioches. Place à l'exploration en terre purement quesnienne ! Celle qui est poétiquement inspirée de notre bien aimée planète. Nos explorateurs du jour se réunissent autour de l'œuf et entament une espèce de cérémonie : flûtes, guitare et tambourins sont de sortie. Les touristes d'un nouveau genre naviguent dans l'espace et le temps, questionnent profondément l'existence, chantent et lisent ensemble. L'orage vient les interrompre et les propulsent dans une époque plus moyenâgeuse. Les voilà propulsés dans le tableau de Jérôme Bosch - sans que le décorum soit reconstitué, on le devine -. S'enchaîneront des moments toujours plus fantasques les uns que les autres. 

L'imaginaire de Philippe Quesne ne connait aucune limite et c'est sans doute ce qui nous touche le plus dans son travail sans cesse renouvelé. Entouré de ses meilleurs clowns - Isabelle PrimElina LöwensohnJean-Charles Dumay, Léo Gobin, Sébastien Jacobs, Nuno Lucas,  Thierry Raynaud et Gaëtan Vourc’h - il nous embarque dans des mondes si loin si proche, riches en douceur et en poésie. 


Avant la terreur @MC93, le 11 Octobre 2023

Six ans. Autant dire une éternité. Mais c'est bien le temps que les plus grands macaignophiles ont du attendre pour le voir revenir au théâtre. Au cinéma, il s'est fait remarquer positivement aussi bien pour Emmanuel Mouret qu'avec Elie Wajeman ou encore chez Rémi Bezançon. Même sur petit écran pour Olivier Assayas dans Irma Vep. L'enfant terrible est de retour. Il aura beau dire qu'il n'a jamais quitté le théâtre, on ne l'avait pas vu en chair et en bruits depuis six ans. Quand on a appris qu'il travaillait sur la matière shakespearienne Richard III on a commencé à attendre non sans impatience et beaucoup (beaucoup) d'exigence(s). Il y avait tellement de potentiel. Et tout ça s'est malheureusement conjugué à l'imparfait... "Fermez les yeux. Oubliez Shakespeare et votre avenir" nous intimait la reine Elizabeth - ici Sofia Teillet -.

© Simon Gosselin

Alors oui, Vincent Macaigne est resté fidèle à son utilisation des fumigènes, de la matière tantôt boueuse tantôt sanguinolente, au volume toujours plus fort - quoique pas de boules quiès distribués ! Ceux dans le sac devait probablement dater d'En manque - et sa bande de copains : Pascal Rénéric dans le rôle titre, Pauline Lorillard, Sharif AndouraThibault Lacroix, Sofia TeilletCandice Bouchet à laquelle se grefferont  Clara Lama Schmit, Max Baissette de Malglaive et des enfants en alternance : Camille Ametis, Clémentine Boucher ou encore Lilwen Bourse. Mais où est passée toute la monstruosité de Richard ? Toute la famille Gloucester est atteinte de cette folie sanguinaire. Mais Richard chez Macaigne fait presque bande à part. 

Richard devient un roi maladroit, œdipien et pas des plus boiteux - on fera dire à un des personnage qu'il contrefait sa bêtise -. Alors oui, on se rappelle de l'impressionnante incarnation de Lars Eidinger dont il est clairement difficile de se défaire tant elle marque les esprits. Mais mettons la de côté le temps de l'interprétation de Pascal Rénéric qui nous avait pourtant convaincu dans Pour le réconfort. Mais ça ne prend pas. Il a beau rire comme un tyran, il perd en crédibilité. On va adorer les prestations du jeune Max Baissette de Malglaive et ses expressions lumineuses, pleines d'espoir pour la nouvelle génération - son monologue aux générations précédentes est une petite perle - et  de Pauline Lorillard en épouse rebelle - grand moment que celui de sa réplique sur son incapacité à aimer son mari -. On pense aussi à Sharif Andoura qui nous fera beaucoup rire - mention particulière au contexte de sa réplique "Il vaut mieux un petit accident qu'une grande restriction" -. Non pas que le reste de la troupe ne soit pas investie mais il y a quelque chose qui souffre - ou qui s'essouffle... -. 

Le texte ? Quelques envolées lyriques parsèment une réflexion qui gagnerait en profondeur. La scénographie ? Si Vincent Macaigne arrive à créer des images fortes, un peu plus de bruit et de fureur n'aurait pas été de trop... Il n'empêche qu'on restera toujours attentifs à son travail et qu'importe le terrain de jeu choisi. 




Ce billet est dédié à M., l'enfant émerveillé qui m'accompagnait 


The Confessions @Théâtre de l'Odéon, le 03 Octobre 2023

"L'homme est naturellement bon et c'est la société qui le déprave." d'un certain Jean-Jacques Rousseau qui lui-même écrivait Les Confessions pourrait résonner bon nombre de fois dans nos têtes pendant la représentation de The Confessions.

© Christophe Raynaud de Lage

On pense aussi à France Gall "Résiste ! Prouve que tu existes." The Confessions ou l'itinéraire d'une femme en quête d'émancipation. Celui de la mère d'Alexander Zeldin qu'il présente plus poétiquement comme "le portrait d’un cœur alors qu’il va cesser de battre". Tout démarre en Australie pour se finir à Londres. Une fresque intime dévoilée au grand jour. 

Amelda Brown entre sur le plateau comme une spectatrice pourrait s'aventurer vers lui sans quiétude particulière. Elle ouvre le spectacle devant un rideau qui lui-même renferme un décor d'une autre époque. Trois jeunes filles sont sur le point de célébrer une espèce de gala de fin d'année. Elles sont euphoriques. 

Un point de départ de toute une histoire marquée par les obstacles sociétaux qui n'ont jamais cessé d'exister à travers le temps. La jeune Alice Zeldin en quête de savoirs, de curiosités a connu l'amour obligé, la violence physique - celle qu'on ne verra pas mais qui marque toujours plus fort - et d'autres épreuves mais rien ne l'a réellement stoppé dans sa recherche de liberté. Alice est une battante. Alexander Zedin reconstitue un voyage particulièrement émouvant dans les époques. 

Ce qui nous a frappé c'est cette maîtrise des couleurs sur le plateau, laissant voir le vintage comme le plus récent de manière presque cinématographique dans un décor mouvant toujours plus réaliste. On traverse les époques avec une aisance très agréable. Amelda Brown sans être pour autant narratrice omnisciente, se fait porteuse garante de l'histoire. Avec elle, une troupe merveilleuse, lumineuse - avec en miroir Eryn Jean NorvillJoe Bannister, Jerry Killick, Lilit Lesser, Brian Lipson,  Pamela Rabe, Gabrielle Scawthorn et Yasser Zadeh - transmet, incarne avec toute la justesse son entourage. Il ne sera jamais question de s'apitoyer mais bien d'entrer en résilience avec Alice.