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Interview Baptiste W. Hamon


Ces derniers temps on les voit pas mal à l'affiche au Trois Baudets :  Baptiste W. Hamon et son acolyte américain; Ryan O'Donnell.
Ils prennent plaisir à jouer des morceaux rattachés à la folk.
J'avais découvert y a quelque temps Baptiste avec son projet Texas in Paris. J'ai cherché à en savoir plus sur lui. Notre rencontre s'est faite lors du concert de Benjamin Siksou, le 4 Novembre dernier où le jeune chanteur assurait la première partie. Nous avons alors convenu de nous rencontrer ultérieurement pour caler une interview. Par manque de temps, nous nous sommes retrouvés par échange de messages.


* Baptiste, raconte moi un peu ton itinéraire avant de chanter...

Eheh, eh bien, ça fait un paquet d’années que je chante, mais disons que j’ai écrit  mes premières chansons à dix-sept ans, en terminale. Ensuite j’ai créé mon projet folk en anglais, Texas in Paris inspiré par la musique country-folk que je venais de découvrir alors, avant de me mettre à l’écriture de chansons en français en 2011. Bon, à l’origine, je ne cherchais pas franchement à faire de la musique mon métier, puisque j’ai fait des études d’ingénieur qui m’intéressaient pas trop mal, mais je me suis rendu compte que les boulots qu’on me proposait après mes diplômes ne m’enthousiasmaient pas autant que la possibilité d’une vie de songwriter, qui se dessinait petit à petit devant moi. Du coup j’ai franchi le cap fin 2011, et je suis plongé complètement dans l’écriture et la chanson depuis lors.

* Tes parents écoutaient quel(s) genre(s) de musique à la maison ?

Mes parents n’écoutaient pas beaucoup de musique à la maison, mais ils avaient quand même quelques vinyles incroyables de chanson française : Brel, Béart, Aznavour, Brassens, Graeme Allwright, Anne Sylvestre. Mais je ne les ai écouté pour la première fois qu’à 25 ans à vrai dire, quand je me suis vraiment plongé dans l’histoire de la chanson de chez nous. 



Mon vrai mentor musical, c’était plutôt mon frérot Corentin, qui m’accompagne parfois sur scène, et qui lui était abonné aux Inrocks des années 90, quasi-unique source de bonne musique pour les mecs qui s’intéressaient à l’indie à l’époque pré-internet. Avant quinze ans je n’écoutais pratiquement rien, je faisais des maths et des dictées, et puis entre quinze et dix-sept j’ai fait le grand saut en écoutant de l’indie à gogo. Belle and Sebastian était mon premier coup de cœur, Grandaddy aussi, les Go-Betweens, Smog, Will Oldham, Catpower, Herman Düne, tout le bazar. En français j’écoutais le déjà immense Dominique A, Tue-Loup, Miossec, Superflu, Murat, Thiefaine, quelques types comme ça. Donc ma culture musicale à l’origine s’est plutôt basée sur les références de mon frérot que sur celles de mes parents, bien que je me sois mis avec ferveur à la chanson poétique des années 60 plus tard.

* Ton milieu musical de prédilection : le bluegrass et la country. Des artistes de référence ?

J’ai effectivement découvert le country-folk à dix-sept ou dix-huit ans, par l’intermédiaire d’un artiste qui allait complètement bouleverser mon rapport à la musique et au songwriting : Townes Van Zandt
Pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression en écoutant ses chansons de nager dans un océan de poésie, d’authenticité, j’avais des frissons dans mon corps qui venaient de je ne sais où, c’était complètement magique. C’est là que j’ai pris conscience de la dimension mystique qui pouvait se trouver dans notre rapport à la musique.



Je ne comprenais pas nécessairement tout ce que Townes Van Zandt racontait avec son accent texan au début (il est considéré comme un poète égal à Bob Dylan ou Leonard Cohen), mais je pouvais sentir la poésie qui se dégageait de son phrasé, de la scansion de ses mots, des mélodies. C’est pour moi la vraie définition de l’universalité d’une chanson : l’authenticité de son auteur, qui ne cherche pas à tricher, à imiter, à convaincre, mais simplement à dire ce qu’il est et ce qu’est le monde, à travers des histoires sorties d’un imaginaire subtilement et puissamment poétique.
Donc voilà, à partir de Townes, je me suis intéressé à la mouvance des songwriters de country-folk et de folk en général, Dylan of course, mais également tous ces types moins connus, qui écrivent une poésie plus poussiéreuse, davantage ancrée dans le terroir. Des types comme Butch Hancock, John Prine, Guy Clark, Iris DeMent, Jerry Jeff Walker, Mickey Newbury, etc.. Ce ne sont pas à proprement parler des chanteurs de country ou de bluegrass, pour revenir à ta question, qui sont deux genres musicaux bien distincts du folk, mais ils sont réunis sous l’étiquette qui me plait bien et dans laquelle je souhaite m’inscrire moi-même, parce qu’elle a un sens, de singer-songwriters. Des écrivains de chansons qui chantent leur chansons, quoi.

* Tu peux m'expliquer comment tu es passé de ton projet exclusivement en anglais Texas in Paris à Baptiste W. Hamon ?



Ben du coup pendant cette grande période durant laquelle je n’ai écouté pratiquement que de la musique américaine (en gros entre dix-huit et vingt-quatre ans), j’ai voulu moi aussi me mettre à l’écriture de chanson, sur le modèle de mon vieux héros Townes. Un peu naturellement, parce que c’était ça que j’écoutais, je me suis mis à écrire mes premiers textes en anglais, pour lesquels j’essayais de rechercher malgré tout une véritable rigueur littéraire. J’ai vécu presque deux ans en Norvège à cette époque-là, je pensais en anglais, je rêvais en anglais, j’écoutais des songwriters américains, du coup naturellement j’écrivais en anglais.
Mais très vite j’ai été coincé par les limites littéraires auxquelles je me confrontais : je voulais aller plus loin dans les recherches rythmiques et poétiques de mes textes, dans les histoires que je racontais, et mon vocabulaire anglais ne me suffisait plus. On peut pas prétendre vouloir faire comme Dylan mais dans une langue étrangère. Fallait que je trouve un moyen d’écrire des chansons en français. J’avais déjà écrit plusieurs recueils de poèmes en français à l’époque, pour moi, pour me rôder à l’écriture dans cette langue, mais je ne m’étais jamais essayé à la chanson, qui estvraiment un truc particulier, avec des codes d’écriture très différents du poème.
Du coup c’est à ce moment là que je me suis mis à écouter en boucle nos « songwriters » à nous des années 60, Barbara, Moustaki, Brel, Jacques Bertin, Felix Leclerc, Graeme Allwright, pour me familiariser avec leurs schémas d’écriture et tenter ensuite l’aventure moi-même. Une fois que j’y suis parvenu, ça a été comme une espèce de libération, puisque d’un seul coup dix mille portes s’ouvraient, dix mille façons de faire nouvelles à parcourir ! Mais je ne délaisse pas mes chansons en anglais pour autant, que je chante encore sur scène, et je continue de temps en temps à écrire des textes en anglais.

* Qu'est-ce qui te plait le plus dans la musique ?

Well, question pas évidente parce que ce qui me plait un jour dans une musique et me procure des émotions ne sera peut-être pas la même chose que ce qui me fera frissonner le lendemain. Je pense qu’on a tous un rapport très différent à la musique, aux rythmes, aux mots, et l’émotion qui se dégage d’une écoute musicale dépendra tout autant d’une appétence particulière pour certaines sonorités – notre histoire - que d’un contexte émotionnel donné – notre présent. Mais il y a des constantes. Et pour moi la constante c’est souvent le texte. Quand j’écoute Vienne, de Barbara, j’ai des frissons à tous les coups. Pareil avec Drouot, ou La Chanson des Vieux Amants de Brel, Famous Blue Raincoat de Cohen, Nothin’ de Van Zandt, Hello In There de John Prine et quelques autres. C’est donc l’assemblage du texte et de quelques enchainements d’accords qui sont pour moi les outils les plus puissants pour procurer l’émotion brute. Et du coup, c’est ce que j’essaye de rechercher dans mes propres compositions, la tournure qui pourra déclencher l’émotion sur la peau, le changement d’accord sur un mot donné, un tempo « t ». Mais la musique est un domaine sans vérité, hormis celle de l’authenticité et de l’impossibilité des calculs. Je peux me retrouver transporté par Sigur Ros que je ne comprends pas, je peux avoir des frissons joyeux sur Boulat Okoudjava ou Silver Mount Zion le même soir, Joe Dassin, les Go-Betweens ou Vincent Delerm indifféremment après deux tasses de thé ou trois verres de Chablis.



* Avec quels artistes aimerais-tu collaborer ?

Dans un fichu désordre : Will Oldham, Micah P. Hinson, Ane Brun, Dominique A., Butch Hancock, Les Hay Babies, Pascal Bouaziz, Bertrand Belin, Jacques Bertin, Lisa Leblanc, Justin Townes Earle, Sivert Høyem, Hugues Aufray… Tous en même temps tiens ça serait le top.

* Des concerts en vue ?

Oui, je joue pour les soirées Oh Taquet au théâtre de la Loge à Paris le 14 avril, le 12 mai (avec le super AuDen) et le 23 juin. Je serai par ailleurs au festival Alors Chante de Montauban le 28 mai, et on est en train d’organiser tout plein de dates à gauche à droite pour l’été et l’automne qui arrivent. Be welcome ! 






Tout récemment j'ai appris que notre cher Baptiste W. Hamon est programmé aux 30 ans des Francofolies de La Rochelle en Juillet pour assurer l'ouverture de Michel Jonasz et Pierre Lapointe ! Un grand bravo !

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