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Le Passé @Théâtre de l'Odéon, le 12 Décembre 2021

© Simon Gosselin

Julien Gosselin
et sa compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur ont recommencé ; la littérature au cœur, le théâtre comme outil. Le jeune metteur en scène s'est attaqué cette fois-ci à un auteur russe : Léonid AndréïevEkatérina Ivanovna, Requiem, L'abîme et Dans le brouillard sont mises bout à bout et forment une unique œuvre : Le Passé. 

Comme dans ses précédents travaux monumentaux, le collectif signe une création dans laquelle la vidéo est omniprésente. Peut-être encore plus qu'avant. La maîtrise artistique est toujours au rendez-vous. Alors oui, on ne verra les comédiens que rarement devant nous, plus souvent cloitrés dans un sublime décor - tantôt dans une datcha tantôt dans des appartements bourgeois -.  

Le spectacle s'ouvre sur une chasse à l'homme ou plutôt à la femme. Les portes claquent dans tous les sens, les comédiens traversent le plateau à vive allure. Ekaterina Ivanovna est accusée d'avoir trompé son mari, député à la Douma. Furieux, il lui tire dessus à trois reprises. Il la manque. Il la chasse. Ses amis tentent de le calmer. En vain. Elle bascule dans une espèce de folie sombre, un désespoir ravageur. Quelque chose est mort en elle, elle le vit comme tel. Ekaterina - souvent abrégée en Katia - trouve refuge chez sa sœur Lisa. La tragédie se voit interrompue par Requiem, une pièce mettant en scène 3 personnages que Gosselin choisit de ne pas montrer au plateau et joue sur le texte projeté, les comédiens méconnaissables voient leurs voix transformées, dans une pièce qui déconstruit le théâtre, le metteur en scène tente l'assassinat du théâtre à coups d'Auto-Tune. Ce n'est franchement pas très gentil, mais il faut l'admettre, on rit des propos qui résonnent encore terriblement aujourd'hui. Au vue de l'actualité, la réplique "parle ou je t’arrache ton masque" prend une autre tournure. Dans le brouillard permet de remonter dans le temps, comprendre la jeunesse de l'ami artiste du mari, Pavel. Les comédiens sont cette fois-ci masqués, ils évoluent dans un univers en noir et blanc expressionniste très proche de celui du réalisateur américain Tim Burton. La figure paternelle se situe à mi-chemin entre Staline et Nietszche. Là aussi on rit devant des images particulièrement grotesques - un coucou discret à l'écrivain Michel Houellebecq -. 

© Simon Gosselin
Devant ce nouveau monument de l'homme de théâtre nordiste, on est saisis par la performance de Victoria Quesnel qui est réellement possédée, terrifiante par moment - on est d'autant plus subjugués lors de sa scène de transe particulièrement dingue et probablement éprouvante pour la comédienne - et touchés par la tendresse contrastante de Carine Goron. Les comédiens masculins sont tout aussi bons. Mention spéciale au fidèle Joseph Drouet qui excelle dans son rôle du peintre, Pavel. Le tout avec un accompagnement musical aussi qualitatif que dans les précédentes créations qui varie entre électro et classique, qui touche au plus près du cœur, avec le volume adéquat qui intensifie nos émotions. Une aventure complète, radicale comme seul le collectif Si vous pouviez lécher mon cœur peut aujourd'hui nous en offrir. Joie de s'émouvoir. 



Un immense merci à Junn.

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