© Simon Gosselin |
Curieux objet théâtral que cette création de la metteuse en scène italienne Silvia Costa. Initialement présentée en 2020, le spectacle aura souffert de deux reports. 2022 a fini par lui laisser sa chance. L'artiste plasticienne prend comme point de départ Comédie de l'irlandais Samuel Beckett pour clore avec Wry smile Dry sob - que l'on traduirait par Sourire ironique Sanglot sec - sa propre création.
La première partie s'ouvre sur des visages. Oui, des visages seuls. Le projecteur se concentre sur cette partie du corps. Comme des portraits encadrés dans un cadre ovale. Deux femmes - Clémentine Baert et Carine Goron -, un homme - . Selon le personnage qui s'exprime, le visage est mis en lumière. On imagine aisément des comédiens condamnés à être statiques - Beckett lui-même les imaginait dans des jarres -. Seuls les traits du visage s'intensifient au gré de l'exercice d'articulation. Puis les visages que l'on voyait de face passent de profil en silence. Les comédiens signent une performance complète recentrée sur le langage et l'absence de sens.
Pour Wry smile Dry sob, on oublie le verbe pour se concentrer sur les corps jusqu'ici cachés. On retrouve le même duo de comédiennes, la figure masculine est aussi présente mais elle tourne le dos et d'autres danseuses - il est tentant de dire contorsionnistes ; Clémence Boucon, Flore Gaudin et Garance Silve - les rejoindront. Le décor est posé au centre : une salle à manger dans laquelle une table est garnie d'aliments laissant penser que l'action se déroule de bon matin à l'heure du petit-déjeuner, un bar boisé, une armoire côté jardin. Côté cour, une chambre à coucher. Les deux protagonistes féminines sont assises. Leurs mouvements sont presque symétriques.
Aucune voix, de légers bruissements sonorisent l'espace. Les personnages se déplacent lentement, étrangement. Il n'y a rien de foncièrement normal ou encore particulièrement rassurant dans cet environnement si ce n'est le décor. Silvia Costa transporte les spectateurs dans un monde frôlant le cauchemardesque - la création sonore finale laisse imaginer le pire -. C'est d'ailleurs ce qui fait la force de ce spectacle qui s'inscrit dans la suite presque logique de Comédie. Sensation permanente d'illusions d'optique, le spectateur doit se concentrer sur tout ce qui peut surgir des différents éléments du plateau.
Silvia Costa livre une création énigmatique, hautement visuelle et particulièrement brillante.
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