Pages

L'Enfant brûlé @Ateliers Berthier - Théâtre de l'Odéon, le 10 Mars 2024

"On nait, on vit, on meurt"
Odezenne

© Jean-Louis Fernandez

A 25 ans, Stig Dagerman publiait ce roman intense. A peine plus âgé que son personnage principal, Dagerman était allé creuser du côté des pulsions enfouies, d'une humanité partie à la dérive. Une sombre histoire familiale sur fond de deuil et de désir interdit. 

Bengt a 20 ans lorsqu'il perd sa mère. Un départ accidentel, précoce. Il vit désormais seul avec son père, Knut. Bien qu'affecté par la mort de son épouse, Knut a reconstruit sa vie sentimentale avec Gun. Bengt se rend rapidement compte que son père trompait sa mère de son vivant. Il voit particulièrement d'un mauvais œil cette relation. Bengt ne sait plus vivre, il s'écrit - oui à lui-même - au travers d'un journal dans lequel il s'attache à la "pureté" de son être. Sa fiancée Bérit se soumet totalement à lui, sans aucune personnalité, elle se plie aux convenances. Présentés ainsi on pense aux personnages du brillant dramaturge allemand Marius von Mayenburg. Hurlements, chuchotements ou silences comme des signes de ponctuation. 

Le spectacle s'ouvre sur un dialogue mère-fils au moment du coucher. L'éternel échange entre l'enfant qui ne veut pas dormir en inondant de questions aussi insolites que sérieuses et l'heureux parent qui viendra s'en charger. La metteuse en scène Noémie Ksicova recentre l'action autour de deux espaces à la dimension hautement symbolique : la modeste maison familiale et le bungalow sur une île - le plateau s'enrichit d'une piscine pour l'occasion -. Le dedans implique la routine, l'ennui pendant que la seconde offre la liberté, la tentation. La réécriture du roman en pièce de théâtre concentre les répliques, les didascalies ne sont pas toutes jouées. Ces dernières peuvent simplement être suggérées, ce qui glace encore plus l'ambiance dans les scènes les plus violentes. Il n'est jamais simple d'adapter un roman en pièce de théâtre mais Noémie Ksicova a su habilement en tirer la matière dramaturgique. 

Théo Oliveira Machado en personnage central nous captive par son phrasé juvénile dans la première partie puis plus son personnage gagne en maturité plus son jeu monte en puissance, Cécile Péricone s'inscrit dans une dynamique de jeu progressive elle aussi en parvenant à l'équilibre attendu, tout en délicatesse. S'ils sont secondaires, ils n'en sont pas moins bons, la jeune Lumîr Brabant est particulièrement attachante, Vincent Dissez nous convainc aussi dans sa maladresse tendre. Dernier, non le moindre, on aura un petit mot doux pour Mesa qui en chair et en poils donne corps à Hector, le chien de la famille ; une présence canine bien sympa. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire