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Orestie (une comédie organique ?) @Théâtre de l'Odéon, le 12 Décembre 2015


On n’aura pas fini d’entendre parler du metteur en scène italien Romeo Castellucci. Vingt ans après sa naissance à Prato, l’homme de théâtre remet le couvert et cette fois-ci en qualité de grand invité du Festival d’Automne. Castellucci ne se contentera donc jamais de mettre en scène un texte ; il s’en empare, il veut le voir émerger de ces comédiens. Ces derniers l’ont dans la peau. L’Odéon se fait hôte de la tragédie grecque.

Le premier acte se déroule dans une ambiance sinistre, apocalyptique. C’est oppressant. L’environnement sonore n’est pas là pour décompresser : canons, tirs, cris… Dans l’obscurité se déroule l’horreur : on roue de coups Clytemnestre – obèse qui prononce ses tirades au ralenti -, le Lapin Coryphée finit par périr en se noyant dans son propre sang. D’autres sont suspendus tels des morceaux de viande dans une chambre froide de boucherie. La bande son signée Scott Gibbons est ténébreuse, violente elle aussi et ne fait que renforcer le climat angoissant.
L’entracte permet au public de reprendre ses esprits. Pour certains spectateurs, c’est le moment ou jamais de retirer les boules quies proposés par le personnel du théâtre. D’autres seront encore secoués. 

Dans un second acte plus lumineux, mais sous le signe du silence, l’ambiance se recentre sur deux couleurs : le noir et blanc. La gestuelle est comme mimée, les comédiens ont des mouvements quasi machinaux. D’un cercueil boisé surgit Agamemnon réincarné en bouc soumis à la respiration artificielle. Elle est activée par Oreste. Le même qui commettra l’assassinat avec son bras mécanique.   

Le troisième et dernier acte se déroule à rideau noir abattu. Suspendu, un hublot le transperce et fait voir un autre univers. L’au-delà où l’on retrouve les divinités : Athéna, Apollon et Hermès. Au-dessus, on entend des singes s’agiter dans une cage. Que serait une pièce de Castellucci sans animaux ? Ici on compte tout de même un cheval, une ânesse, deux singes et serait-on tenté de compter Agamemnon dans sa réincarnation.

Le résultat est monumental, l’italien est l’artiste accompli : performance visuelle, plastique, auditive. Il sait s’emparer de l’Art. Il a ce don de faire vivre des expériences uniques, aussi étranges soient-elles. Il sait bousculer les spectateurs et ne pourra s’arrêter de les surprendre. Les applaudissements bruyants sont au rendez-vous.  





Une pensée pour Luc Bondy 
[ 1948 - 2015 ]

Super Premium Soft Double Vanilla Rich @Maison de la Culture du Japon, le 20 Novembre 2015


Qu’il fasse nuit ou qu’il fasse jour, au Japon, il y aura toujours un konbini ouvert pour vous accueillir et pour vous apporter le nécessaire. Concept unique en son genre, le konbini offre une multitude de services qui se retrouvent tous sur le terrain de la consommation.

Toshiki Okada avec ce spectacle, prend à témoin le public européen afin d’illustrer le désespoir de la société de consommation poussée à l’extrême au Japon. Et c’est avec son concept de théâtre dansé que le metteur en scène parvient à appuyer son point de vue. Gestes mécaniques, paroles quasi automatisées voire robotisées, tout est paramétré de telle sorte que l’on comprenne que texte et mouvement sont pour Okada « presque indissociables ». 

Sur le morceau Le clavier tempéré de Bach, les comédiens s’articulent tels des pantins devant des rayons bien remplis. Leurs chorégraphies sont complétées par des traits de caractère qui leur sont propres ; un duo de jeunes vendeurs pour le moins qu’on puisse dire cyniques, la jeune recrue, la cliente esclave de sa propre consommation de glace, le patron tyrannique, le manager soucieux de bien faire, le client critique… Tous à leur manière luttent pour respirer et par extension, vivre humainement. 


Le langage se fait absurde mais unique moyen de se rattacher à l’humanité et les mimiques sont exagérées. La critique sociétal d’Okada est bien réussie dans l’ensemble, la technique déployée sert au mieux la mise en scène. 

4 @Théâtre Nanterre-Amandiers, le 17 Novembre 2015


Faut-il chercher un sens dans les spectacles de Rodrigo Garcia ? Non. L’anticonformiste argentin a encore frappé, il déconstruit encore les codes du théâtre classique. 

4 s’ancrerait dans la performance poétique. Les comédiens entrent en scène emmêlés dans des fils qui portent eux-mêmes des grelots, ces derniers se feront les plus silencieux possibles. Les artistes se déplacent en groupe, s’expriment un par un avec des vers tantôt désespérés tantôt mordants. 
4 comme 4 comédiens, 4 poules en baskets, 4ème symphonie de Beethoven. Mais pas de signification propre. Et si finalement, 4 s’avérait être les moments cruciaux d’une vie selon l’argentin ? La naissance, l’amour, le sexe et la mort.

La naissance est traduite par l’affrontement d’un joueur de tennis s’échauffant contre un mur où en grand format apparait le célèbre tableau de Gustave Courbet ; L’origine du monde. Ce dernier vibre à chaque fois que la balle touche la paroi. L’amour et le sexe s’entrecroisent le temps d’une performance - de ce qui s’apparenterait à de la danse -  d’un couple sur un savon de Marseille géant. Ce dernier s’entrelace, chahute, s’amourache dans la mousse naissante. 

Si entre deux, un entretien bien étrange, de par les questions posées, se met en place entre deux personnes emmitouflées dans des sacs de couchage, de très jeunes filles - qu’on associerait facilement à des « mini miss » -  se dandinent avec des cocktails très colorés dans un décor imaginaire, c'est la sensation que la vie part dans tous les sens, pas de trajectoire nette. Ces petites filles sont par la suite à amener à écouter le triste récit de vie d’un samouraï échoué on ne sait trop comment sur ce décor. La mort quand à elle se traduit par le don de vers à des plantes carnivores filmé en temps réel, projeté au mur. Les protagonistes se retrouvent tous devant une projection du dessin animé Charlie le coq avec pour fond sonore la 4ème symphonie de Beethoven.

4 est une invitation au voyage dans l’imaginaire pourtant si proche du réel. 
Provocateur à souhait mais magistral. 

Visage de feu @Monfort-Théâtre, le 9 Novembre 2015


En apparence c’est une famille comme il y en a mille mais en profondeur on en est loin. Ils sont quatre ; un père ingénieur à l’étrange avidité des faits divers sordides, une mère soumise mais aimante, une sœur – Olga - tentée par l’inceste et un jeune ado – Kurt - en pleine puberté, plongé dans la tourmente.    

Le décor est posé dans la cabane du Monfort : c’est blanc, c’est pur. Beaucoup trop pur. Dans un premier temps, les acteurs font face au public. Ils ne parlent pas directement aux spectateurs, leurs didascalies sont débitées. Puis progressivement ce sont des répliques, froides qui sont échangées entre eux. Les liens parents-enfants sont plus que tendus, on s’interroge sur l’autorité parentale.
Kurt est le jeune qui souffre d’un syndrome de Peter Pan poussé plus loin qu’à la normale, il s’interroge sur sa naissance, toujours dans la quête du détail. C’est un ado qui finira par s’enflammer. Il entrainera dans sa folie son unique sœur.

Le jeune comédien Baptiste Legros prouve à tous son talent, son intensité. La folie de son personnage ne prend pas le mauvais virage qu’aurait pu être l’outrance. L’artiste la maîtrise, la fait évoluer avec brio. Joana Rosnoblet incarnant ici Olga livre un très bon jeu, déroutante à souhait, son glissement dans la « maladie »  de son frère n’est que plus beau. 
Les parents Stéphane Flauvel et Sophie Lebrun portent en eux la réussite, ce duo qui ne dispose de plus aucun échappatoire épate. S’il intervient qu’à quelques scènes Julien Girard rajoute une touche dramatique, personnage extérieur à la famille, qui tente désespérément de « débloquer » la situation.

La mise en scène de Martin Legros joue subtilement sur les lumières, quasi cinématographiques mais surtout sur la matière – mousse à raser, peinture, faux sang, fumée – et la destruction progressive du décor et plus largement de la structure familiale nous amène à dire ici qu’elle est terriblement efficace pour servir au mieux le texte riche de Marius von Mayenburg.  

The Servant @Théâtre de Poche-Montparnasse, le 15 Octobre 2015


Programmé il y a un an au Théâtre de Poche-Montparnasse, The Servant a remis le couvert pour 60 irrévocables. Primé par le Molière du Comédien dans un spectacle de théâtre privé, le succès est au rendez-vous pour cette nouvelle saison !

Tony (Xavier Lafitte), jeune aristocrate paresseux vient de s’installer dans une maison de ville à Londres. Afin de pouvoir jouir de sa paresse, il embauche un domestique pour le moins modèle, travailleur et brillant. Ce dernier répond au prénom de Barrett (Maxime D’Aboville). Sentiment de lutte acharnée et de domination se retrouvent pour un excellent huis clos orchestré par Thierry Harcourt.

Décor des années 50, installé progressivement et « détruit » par Barrett – conçu par Sophie Jacob -, costumes d’époques réussis – un travail de Jean-Daniel Vuillermoz -  et les jeux de lumière astucieux - Jacques Rouveyrollis et Jessica Duclos -. Cette adaptation est qualifiable de cinématographique tant l’ambiance se rapproche du thriller avec une tension bien palpable.

Maxime D’Aboville ne pouvait que mériter ce Molière, il incarne avec brio ce personnage droit, froid, une vraie figure angoissante que l’on ne pouvait qu’attendre de ce serviteur. Xavier Lafitte avec ses airs de bonne famille colle au personnage de Tony, si enjoué qui sombre progressivement. Thierry Harcourt a pris soin de choisir une traduction – assurée par Laurent Sillan - au plus proche de la version originale, l’humour britannique transposé en un humour noir qui fait rire les spectateurs du Poche-Montparnasse et le rythme est remarquablement bien tenu. Les comédiens interprétant les personnages secondaires suivent et non dans l’ombre.


Il est encore temps de courir au Théâtre de Poche-Montparnasse ! 

Les Voisins @Théâtre de Poche-Montparnasse, le 16 Septembre 2015


Ils vivent côte à côte et partagent une terrasse. Des voisins qui passent du bon temps ensemble depuis plusieurs années ; repas, apéritifs…  L’un a perdu sa femme dans un accident de voiture, l’autre s’est fait quitter. Tous deux vivent avec leurs enfants qui s’amourachent. La confiance entre eux régnait jusqu’à ce que leur quotidien soit bouleversé par un cambriolage. On assiste à l’effilochage d’une relation qui était promise à un bel avenir. 

Le texte de Michel Vinavier alterne l’humour et la gravité façon conte contemporain. La langue est simple ; entre dialogues entrecroisés et joutes verbales, les personnages sont communs. La scénographie divulgue une idée de simplicité ; deux maisons qui se font face et une clôture qui les relient. 

La performance de Patrick Catalifo est remarquable, les émotions le transcendent, accompagné par la justesse de Lionel Abelanski en bon compère, malin et intriguant. Le jeu de Loïc Mobihan est attendrissant, son personnage - Ulysse - affecté par la mort de sa chienne le rend très juvénile et presque fragile jusqu’à la fin que personne ne pouvait prédire. C’est aveuglément amoureuse mais dans une nature étrange voire déstabilisante qu’Alice Berger campe le rôle de la jeune Alice, confiante en ses projets.

Ce quatuor de comédiens fait preuve de talent et porte très bien ce texte tout en crescendo. 

On ne joue pas avec les épées - Fanny Salmeron


Ce recueil de nouvelles a bien quelque chose. L'écriture de Fanny Salmeron !
Sous des faux airs enfantins, on y trouve de la tendresse qui se fait grave parfois. Saupoudrés de fantaisie, ces courts récits sont sincères, ils sont écrits avec son cœur.

Salmeron raconte les petites choses de la vie que ça soit les tracas, les illusions déçues, les peines de cœur, les coups de folie ou des rencontres improbables - notamment celle avec un sushi qui parle ! -.
L'amour est un jeu où l'on ne peut jamais tricher très longtemps.
Fanny Salmeron fait bien comprendre qu'on ne sort jamais totalement vainqueur.

Idéal pour les vacances, ce recueil est rempli de charme.
Délicatesse et poésie se sont alliées ici pour embarquer, toucher le lecteur en plein coeur. Mais soyez-en sûrs, On ne joue pas avec les épées !  

Les fausses confidences @Théâtre de l'Odéon, le 26 Mai 2015


Après un premier passage en 2014 sous le signe du succès au Théâtre de l’Odéon, Luc Bondy choisit de reprendre son spectacle. Le texte de Marivaux n’a rien perdu de sa richesse. C’est un casting de choix qui se met au service de la beauté du langage.

Le public s’installe progressivement pendant que l’élégante Isabelle Huppert effectue quelques mouvements de taï-chi en fond de plateau dans un cercle d’escarpins. Toute vêtue de blanc, la comédienne campe le rôle de la belle et très riche Araminte. C’est à cette dernière que l’on prend soin de lui présenter pour embauche le pauvre Dorante interprété par Louis Garrel. Comment un jeune homme si peu fortuné, si peu expérimenté pourrait-il plaire à Araminte ? Les deux comédiens principaux qui ont fait face aux caméras ensemble s’en sortent à merveille sur les planches ; Huppert semble beaucoup s’amuser sur le plateau et Garrel s’épanouit.

La maîtrise du langage passe aussi par l’humour. C’est le jeu des silences et des non-dits qui font la beauté du texte de Marivaux. C’est aussi souvent par le biais des apartés que l’on rit. Yves Jacques est un Dubois fantastique ; manipulateur et rusé, qui s’amuse à laisser des petites traces. Bulle Ogier dans son rôle de mère propose un jeu fort cocasse, la jeune Manon Combes interprète la douce et naïve Marton avec justesse et Jean-Pierre Malo fait un bon Comte Dorimont.

Les costumes de Moidele Bikele ne s’ancrant pas dans une époque permettent d’insuffler l’idée d’une pièce contemporaine porteuse de thématiques telles que les différences entre les classes, l’argent ou encore les intérêts individuels.

Cette joyeuse petite équipe artistique peut s’assurer de nouveau un succès pour cette saison 2014 - 2015 au Théâtre de l’Odéon. 

Baudelaire, le diable et moi - Claire Barré


Il y a presque un an, Claire Barré sortait son premier roman
Ceci est mon sexe, on y découvrait une
héroïne appelée Trixie-Rose Jones, la divinité aux orgasmes miraculeux.

Cette année Claire Barré revient avec un tout nouveau roman; Baudelaire, le diable et moi. Cette fois-ci on suivra Clara, jeune femme dépressive, grande amatrice de poésie mais inadaptée au monde moderne. Elle est atteinte de la maladie du siècle aurait-on dit en d'autres temps.

Baudelaire, le diable et moi est un roman plutôt curieux. On remonte le temps grâce au diable identifié comme étant Sébastien Melmoth (Oscar Wilde). Imaginez que celui-ci vous propose un voyage dans le temps aux côtés de vos auteurs préférés...

Ne vous êtes-vous jamais posé la question de savoir ce que vous auriez dit ou ce que vous auriez fait avec ceux que vous n'avez pas pu connaître ? Clara ne s'est pas tellement posée la question, elle voulait Baudelaire. Elle se retrouve donc propulsée au XIXème siècle, à la rencontre du grand Charles qu'elle admire tant. Tellement admirative qu'elle s'offre à lui. "L'enfer est pavé de bonnes intentions."

La jeune Clara découvre une époque dans laquelle elle se sentira plus à son aise, entourée de tous ceux qui lui ont forgé une culture littéraire et le lecteur se sent comme tiré par la main.
Ce voyage au cœur du XIXème siècle ne représente qu'une partie du roman.

La dernière partie questionne un aspect très intéressant; si les auteurs du XIXème siècle se retrouvaient parmi nous, que feraient-ils ? Quel avis auraient-ils sur la littérature aujourd'hui ? Quel rapport entretiendraient-ils avec les ordinateurs et par extension Internet ? Claire Barré a essayé d'imaginer les réactions de Baudelaire, fasciné par la modernité et à la fois exaspéré. L'auteure décortique intelligemment l'évolution littéraire de notre époque.

Si jadis les auteurs ont choqué, ils ont à tout jamais marqué l'Histoire de la littérature, mais qu'en est-il aujourd'hui ? Le processus de création est renversé, les codes ont changé... Claire Barré porte un regard critique et ce dernier est pour le moins pertinent.
Mêlant bribes de poésie et écriture romanesque, Claire Barré peut de nouveau être sûre de séduire un lectorat.

L'Errance moderne @Théâtre des Béliers Parisiens, le 10 Mai 2015


Seul en scène, Alexandre Texier se fait porte-parole d’une jeunesse en quête de son avenir.

Sur les planches du Théâtre des Béliers Parisiens, il joue Alex, un jeune de 24 ans, sans diplôme, sans prétention si ce n’est celle de devenir comédien. Son père menace de le mettre dehors s’il n’apprend pas vite à être autonome à son âge. Les alternatives d’aujourd’hui étant plutôt réduite, il ne lui reste plus qu’à frapper aux portes des agences intérim pour trouver un emploi.
D’entrée de jeu, le nom de l’agence n’est pas fictif ; Manpower. L’acteur campe le rôle d’une secrétaire digne du cliché absolu. L’interprétation est incroyable, Texier ne laisse aucun détail au hasard et se donne plus qu’à fond.

S’en suit les rencontres du jeune homme. Lors d’une expérience dans l’agro-alimentaire, plus exactement au sein d’une usine où le personnel est soumis à une future délocalisation il a pour supérieur un homme « plutôt particulier », qui a fait ça toute sa vie donc pas du tout prêt à subir ce qui les attend. Licencié pour avoir enfermé ce dernier dans la chambre froide, il se retrouve au poste d’observateur d’oiseaux qui ne durera pas non plus, caissier puis à peine embauché comme gardien de réserve, cette dernière ferme. En somme, les joies de l’intérim « C’est tout le temps différent » aura confié son agent dans un rire. Les trois éléments scéniques suffisent à structurer la scénographie, épurée mais remplie par les multiples personnages réunis en un seul homme.

Tous ces personnages sont pris comme des témoins de la difficulté sociale dans laquelle la société est plongée depuis quelques années. Désespérés et désespérants, Alexandre Texier montre un talent non négligeable pour passer d’un rôle à un autre. Mimiques, voix, tout y passe ! Le comédien déploie une énergie phénoménale pour jouer chacun des protagonistes. Une des scènes est très physique ; on assiste à un grand moment hilarant rappelant une certaine scène du célèbre Les Temps modernes de Charlie Chaplin.

On rit car le ton est plutôt humoristique. Sous des allures plutôt légères, le texte - écrit par Alexandre Texier et son frère Charles - cache un fond relativement féroce qui fait son effet à la dernière rencontre. La discussion avec un clochard quelque peu grognon sera décisive pour Alex.


Ce solo social show touchant présenté au Festival d’Avignon et plusieurs fois dans des salles parisiennes ne saura que conquérir le public lors de ses prochains passages au Festival !  

Orlando ou l'Impatience @Théâtre de la Ville, le 09 Avril 2015

« Dis-moi son nom ! » clame Orlando, ce jeune homme en quête de son père. A chaque début d’acte, il interroge sa mère, celle que Py a choisi de nommer « la Grande Actrice ». Tout droit sortie des années 50, aux allures de pin-up c’est Mireille Herbtsmeyer qui endosse le rôle maternel. Dame de théâtre qui ne se laisse porter que par cet art, laissant de fausses pistes à son fils ou encore, le poussant à s’interroger sur d’autres sujets tout aussi importants.

A la recherche de son père, Orlando – incarné avec brio par un jeune Matthieu Dessertine – ne cesse de découvrir les multiples facettes de la figure paternelle. Cette dernière livrée par un incroyable Philippe Girard. Désespéré, révolté, déshonoré ou encore oublié, ces nombreuses figures si humaines, si attachantes sont toutes jouées avec fougue.

« Chaque époque a sa tragédie » ; théâtre, politique, art, amour tous les sujets qu’affectionne Olivier Py se retrouvent dans ce texte, cette déclaration d’amour au théâtre. 
Qui dit politique, dit que l’on retrouve aussi l’engagement de l’homme, qui n’hésite pas à envoyer quelques critiques assassines à l’égard du ministère de la culture. Toutefois comme le faisait remarquer Christian Benedetti en juillet 2013 sur les ondes de France Culture ; «Ce n’est pas parce qu’on parle de la politique sur le plateau que c’est du théâtre politique […] ». Le ministre de la culture est interprété par un excellent Eddie Chignara qui se complait dans la douleur allant jusqu’à l’humiliation. On notera également le jeu fort humoristique et dynamique de Jean-Damien Barbin, tantôt professeur de diction fou, puis directeur de cabinet, ostéopathe, « troueur » terminant sur un rôle de théâtreux tout aussi extravagant. 
Le rire et la réflexion se croisent pour un grand moment de théâtre.

Deux comédiens plus discrets mais tout aussi brillants se joignent à la belle équipe ; Laure Calamy dans le rôle d’Ambre, personnage pétillant, lucide et Gaspard, l’amant, l’acteur ou encore le fils, interprété par François Michonneau.

Tous ces personnages évoluent dans un plateau mobile, sur une structure en forme de cube, c’est une habile mise en abyme que signe Pierre-André Weitz. Les techniciens se font acteurs le temps d’une rotation du plateau de jeu.

Ces personnages de pères et fils croisent les traits identitaires d’Olivier Py ; ils posent les questions existentielles qui préoccupent l’auteur-metteur en scène. Toutefois, nous espérons de tout cœur que Py ne deviendra jamais l’Orlando final, aigri.

Orlando ou l’Impatience est de ces textes qui portent des valeurs fortes, qui invitent à philosopher et qui nous font aimer plus intensément le théâtre. 

Ballet Béjart - Le Presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat @Le Palais des Congrès, le 4 avril 2015


Le Presbytère, une création colorée signée Maurice Béjart sous la direction de Gil Roman, successeur de Béjart nommé par ce dernier quelque temps avant sa disparition en 2007. Ce spectacle se veut hommage à deux hommes disparus à l’âge de 45 ans, rongés par le même mal qu’est le sida ; Freddie Mercury, l’emblématique chanteur du groupe britannique Queen et Jorge Donn, danseur incontournable de la compagnie Béjart.

Dans une scénographie épurée, les danseurs commencent au sol, leurs corps sont drapés. Les premières minutes sont marquées par cette absence de mouvements. Puis quelques minutes plus tard, la trentaine de danseurs s’élance de tous les côtés du plateau du Palais des Congrès.

Elégance, dynamique, vivant, sont les maîtres mots de cette représentation. Mozart se chevauchant avec les grands tubes de Queen, c’est un véritable hymne à la jeunesse qui se dessine. Les soli s’alternent avec des grands moments en groupe.

Costumes colorés signés Versace, l’ambiance prête à la gaité notamment lors de Seaside Rendezvous où fleurissent bonnets et maillots de bain rétros, à l’humour lorsque pas moins d’une quinzaine de danseurs parviennent à rentrer dans un cube qui ressemble fortement à un backroom.

C’est Oscar Chacon qui retiendra le plus notre attention ; gracieux, il danse seul sur les moments les plus sombres de cette représentation notamment lorsque le plateau s’obscurcit, trois panneaux lumineux sont suspendus montrant des radiographies.


Le spectacle s’achève sur la troupe face à une vidéo de Jorge Donn dans le fabuleux Clown de Dieu sur le magistral The show must go on. Les premières notes de ce tube ne peuvent que laisser échapper quelques frissons d’émotion au public. Un show qui ravira les fans de Queen !

L'Encens et le Goudron @Théâtre L'Etoile du Nord, le 14 Mars 2015


Fruit de nombreuses années de recherche, Violaine De Carné signe son spectacle olfactif L’Encens et le Goudron et le présente pour quelques dates au théâtre L’Etoile du Nord.

Olfactif ? Parfaitement ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, De Carné fait appel à Emmanuel Martini pour jouer les perfume-jockey ; à la manière d’un disc-jockey, Martini mixe parfums et odeurs. Une ambiance enivrante s’installe.

Dans ce spectacle, Violette questionne la vie. Elle attend que Guillaume - son compagnon - se réveille de son coma. Seule dans la chambre de l’hôpital, elle lui parle, rencontre d’autres patients. Ces derniers sont sortis du coma, ils sont entrés dans le cycle de rééducation. Pas moins de six personnages tous incarnés par Violaine De Carné.

Jouant entre les émotions et le rire, De Carné interprète des personnalités si différentes ; de Gloria à Rachid, en passant par Bérangère, Abou ou encore Pierre et Mister Mind. Tous attachants, ils nous rappellent à quel point l’humain est un être fragile. L’immersion dans le milieu hospitalier de la comédienne permet de confirmer la véritable performance de cette fragilité saupoudrée de poésie.
A la manière de l’épisode de la madeleine de Proust, Violaine De Carné met en exergue la liaison entre l’odorat et les souvenirs tout en passant par le langage. Les odeurs rapprochent les êtres, les font s’exprimer.

La comédienne évolue dans un espace scénique simple ; un lit sur roulettes, une statue imposante, un écran et s’il faut bien rajouter un sens ça sera l’ouïe avec la violoncelliste Véronika Soboljevski qui apporte une touche de poésie supplémentaire. Les déplacements de la comédienne ne sont pas gigantesques, ils caractérisent l’attente, elle fait donc souvent les cent pas dans ce qui fait office de chambre d’hôpital.

C’est un spectacle qui se caractérisera par la réussite d’une expérience assez exceptionnelle et pour le moins extrasensorielle. 

4.48 Psychose @Aktéon Théâtre, le 27 Février 2015

Au centre, elle est immobile. Dans sa robe blanche presque transparente aux traines tentaculaires, elle nous regarde intensément. Julie Danlébac se fait porteuse du rôle de Sarah Kane.

Prisonnière de sa douleur, Sarah Kane a lutté pour s’en écarter. Lors de son énième internement, son humanité la quittait peu à peu, elle était réduite à sa portion de médicaments pour l’apaiser et une vie qui n’était plus la sienne. Les mots qu’elle emploie lui appartiennent, ils viennent du plus profond, de ses entrailles.

On saluera l’audace d’Ulysse Di Gregorio de mettre en scène un texte si éprouvant, si noir et si violent. Julie Danlébac est exceptionnelle. Coupe à la garçonne, corps frêle, elle donne vie à la rage de Sarah Kane.

Pas un bruit, la comédienne est seule. Les spectateurs garderont leur souffle coupé jusqu'à la fin.

Poignante, Julie Danlébac a des allures de femme fragilisée, ses mouvements de tête sont légers, jamais trop vifs. Entre cris de rage et désespoir, Danlébac laisse échapper une espérance de vie meilleure.

Le jeu de lumières qui se pose sur elle renvoie une image quasiment spectrale, progressivement perdant de son intensité et qui laisse entrevoir comme un masque sur le visage de la comédienne.


Un spectacle qui promet de ne pas laisser le public indemne. 

Tartuffe ou l'imposteur @Collège des Bernardins, le 13 Février 2015


S’inscrivant dans les soirées After Co (cycle laissant la parole aux jeunes générations d’artistes professionnels ou non) du somptueux Collège des Bernardins, le collectif A vrai dire propose sa propre mise en scène du célèbre Tartuffe de Molière.

Ils sont quatre comédiens ; duo d’hommes et de femmes. A eux quatre, ils interprètent tous les personnages par un habile changement de costume. Leur plateau se compose simplement d’une table à la nappe blanche et une croix en bois et tout l’espace reste à leur entière disposition.

Profitant d’une superbe acoustique, les comédiens prennent à parti le spectateur en le faisant asseoir sur deux rangées qui se font face sur presque la  moitié de la longueur du hall. Comme présent à un banquet, le spectateur doit se sentir concerné.

Les tirades sont proférées, le jeu de chacun des comédiens est intense. Les alexandrins s’échangent depuis les extrémités des rangs. C’est au public de suivre attentivement du regard le dialogue.

Romain Vaillant livre un Orgon profondément aveuglé, naïf, qui se laisse entraîner dans les filets du Tartuffe incarné par un Sylvain Laborde malicieux, taquin qui alterne avec un jeune Valère aimant, bon sous tous rapports faisant nettement contraste avec le protagoniste. Annah Schaeffer (jouant ici jusqu’à 4 rôles à elle seule) propose une interprétation très touchante de Mariane et Alice Thalamy brille dans le rôle de la servante Dorine, méfiante et redoutable et tout autant dans son jeu d’Elmire profondément amoureuse de son mari, prête à lui prouver l’imposture du Tartuffe.


Le collectif A vrai dire propose donc une version pertinente du grand classique de Molière sans oser retirer la moindre virgule et le rend plus fort. 

Sic(k) @Monfort-Théâtre, le 24 Janvier 2015



Au théâtre, les histoires sont racontées et parfois, des idées sont véhiculées. Sic(k) se présente comme un spectacle à cheval entre la discussion et la narration.

Alexis Armengol s’entoure de sa compagnie Théâtre à cru pour questionner sur nos addictions – aussi bien à l’alcool, qu’au tabac, qu’à l’Autre -. 
Les réponses échangées agissent comme la bande son du spectacle. 

S’enchaînent dialogues entre les comédiens et des témoignages d’anonymes ou de philosophes - notamment Deleuze - enregistrés pendant l’écriture. On se surprendrait même à vouloir prendre parti au débat.
L’addiction n’est pas propre à un genre.
Hommes ou femmes, ils subissent leurs addictions et les partagent. 
La grande salle se transforme en salle de conférence. On partage ses idées, sa joie de vivre, son mécontentement. Tout devient possible.

Sic(k) est une pièce résolument contemporaine tant elle mélange les formes scéniques - dont une performance plastique en direct – humaine et poétique par sa scénographie. 

L'Idéal club @Monfort-Théâtre, le 09 Janvier 2015


La compagnie 26000 couverts originaire de Dijon présente un spectacle qui s’ancre dans la mouvance du music-hall. Le Monfort-théâtre devient un immense cabaret où l’humour est roi.

L’Idéal club porte en lui une réflexion sur le spectacle idéal. Ici, idéal signifierait une ambiance totalement décalée, absurde et ouvertement tout public.

Tous les numéros se succédant sont hilarants : du jonglage avec une tente Quechua, ballet de cartons, trapèzes fictifs (puis avec des balais), concert de scies musicales où s’incruste une tronçonneuse… Pour notre plus grand bonheur de spectateurs, on ne peut pas s’empêcher de rire.

Tout cela porté par pas moins d’une dizaine de comédiens extrêmement dynamiques et des musiciens talentueux - The Rainbones -.

Pour sûr, ces 2 heures 50 de spectacle ne risquent pas d’ennuyer les spectateurs de tout âge confondu. Tout le monde ne peut que vouloir adhérer au club tant il bouscule notre quotidien, réveille nos esprits.


C’est un embarquement pour le pays du bonheur, du rêve et du burlesque.

Le final est un grand moment d’autodérision parfaitement géré, à l’image du spectacle : totalement déjanté ! 

Les cartes du pouvoir @Théâtre Hebertot, le 06 Janvier 2015



Stephen (Raphaël Personnaz) est un attaché de presse politique brillant. Il est très jeune et sa carrière est déjà bien commencée. Ambitieux, rien ne l'arrête. 
A sa charge, la préparation de la campagne des primaires de la présidence américaine sous la direction de Paul Zara (Thierry Frémont) qu'il adule depuis toujours. 
Liés par une forte amitié, les deux hommes s'engagent pour leurs idéaux dans un combat électoral sans merci. 

 Personnaz livre ici une excellente interprétation d'un attaché de presse détestable ; égoïste et arrogant. Le basculement de son personnage dans un état de paranoïaque est admirable. C'est dans cet état que d'autres facettes de l'attaché de presse surgissent et l'acteur les interprète avec brio. 
A ses côtés, Thierry Frémont joue celui qu'on pense convaincu, l'honnête. Moins arrogant que son confrère, il porte en lui l'affection pour le peuple. Frémont est très bon, livre un jeu sincère. 
Si ici il est question des personnages principaux, les personnages secondaires ne sont pas oubliés; le jeune frère Personnaz ne démérite pas et marche dans les pas de son aîné, Elodie Navarre fait une bonne journaliste reine du chantage  Roxane Duran stagiaire un peu frivole, fragile et un Francis Lombrail en parfait manipulateur. 

Les coulisses de la politique sont dévoilés. Et pour le moins qu'on puisse dire vraisemblables; le manque de scrupule, les journalistes en quête du scoop, la relation attaché de presse/journalistes, les magouilles, tout est montré. 

Dans une mise en scène qui mêle carrés mobiles et images filmées, la sobriété est efficace. La bande son est contemporaine et de qualité. 
Aucune longueur, l'histoire est bien rythmée grâce à des comédiens dynamiques. Les spectateurs sont portés par l'intrigue et ne s'ennuient jamais. 

Mercredi 7 Janvier 2015 // DRAME CHARLIE HEBDO


Mercredi 7 Janvier 2015 

Parce qu'aujourd'hui, c'est la liberté de la presse et la liberté d'expression qui ont été mises à mal.
Je ne trouve pas les mots suffisamment forts pour décrire mon état. 

Humanité, réveille-toi, je t'en supplie...

Je me contenterai uniquement d'afficher mon soutien à l'équipe de Charlie Hebdo et aux familles des victimes.