Voilà ce que jamais je ne te dirai + Je suis un pays @Théâtre Nanterre-Amandiers, les 25 Novembre et 02 Décembre 2017



© Mathilda Olmi - Je suis un pays
Si nous n'avons plus confiance en notre présent et encore moins en notre avenir, c'est en nos enfants qu'il faut croire.
Ils portent en eux l'Innocence...

Vincent Macaigne, est et restera l'enfant terrible du théâtre, de la performance à grande échelle. Le grand combo Voilà ce que jamais je ne te dirai et Je suis un pays  (sous-titré Comédie burlesque et tragique de notre jeunesse perdue) est une plongée dans un univers qui semble si proche du nôtre mais à la fois si loin. Il est sombre, cauchemardesque et pourtant, nous voulons voir la lumière au fond.

Macaigne est allé chercher non pas un classique mais un texte écrit pendant son adolescence alors qu'il était encore au Conservatoire. La langue y est crue comme toujours. Et on ne parvient pas à parler calmement ; on le gueule son désespoir, toujours plus fort. Avec la même violence que le capitalisme frappe l'humanité. Ce même capitalisme est bien présent : sur les écrans du hall des Amandiers, les publicités prônant les bienfaits de Monsanto et du Roundup tournent en boucle.

© Mathilda Olmi - Je suis un pays
Les enfants nous sauveront ! Même s'ils naissent déformés, ils seront là pour nous. Une sœur et son frère sont parachutés dans ce monde déglingué. A eux, d'en faire un monde vivable, meilleur... Il se rapprochera du pouvoir que Macaigne décrit comme un pays avec des frontières. Elle se fera violer par les anges, elle tombera enceinte, elle portera l'Avenir en s'engageant dans la rébellion pour lutter contre son propre frère.

Toujours plus de matière sur scène : terre, faux sang, fumée, eau... Les spectateurs de Voilà ce que jamais je ne te dirai sont d'ailleurs bien protégés : combinaison, lampes frontales et chaussons. Ils intègrent le plateau de Je suis un pays comme des extra-terrestres venus rendre visite aux terriens, des visiteurs d'un ailleurs.

Et en dehors des cris, l'éclectisme musical : Caribou, Diamonds, Sara perchè ti amo, Porqué te vas...
Le mélange des mondes anciens et nouveaux, actuels jusque dans le décor où des silhouettes cartonnées des chefs d'Etat fixent les spectateurs, prenant des allures de stand de tir à la fête foraine. Plus haut encore, des cadavres. Et pourtant, ce n'est pas la mort qui est présente dans ces spectacles. Elle plane lors de la reproduction d'un jeu télévisé façon expérience de Milgram où l'on invite le peuple à assassiner le roi immortel de la manière de son choix contre un chèque. Les spectateurs sont invités à danser sur le plateau alors on s'agite, on se presse, on éclabousse, on boit des bières...

L'immense création Voilà ce que jamais je ne te dirai + Je suis un pays est une cérémonie du chaos auquel on brûle de participer, on veut bousculer cet univers si tragique.

Célébrons ensemble la fin du monde tant qu'il est encore temps...
Nous sommes plus qu'un pays, nous sommes un univers.

Festen @Théâtre de l'Odéon - Ateliers Berthier, le 01 Décembre 2017

Après son immersion dans les méandres du management avec Nobody,  Cyril Teste et le collectif MxM revisitent Festen du danois Thomas Vinterberg.

Poursuivant ses expérimentations, Cyril Teste est allé chercher le parfumeur Francis Kurkdjian pour enrichir l'imposant décor de Valérie Grall.
L'intégralité du plateau est occupé : le salon, la salle à manger, la cuisine, chambres, corridors, salle de bain, toutes les pièces sont représentées.

Ces grands et majestueux espaces sont accessoirisés dans le moindre détail. Le repas - concocté par Olivier Théron -  est servi en temps réel auquel est convié un quatuor de spectateurs. Ils sont intégrés à la grande table des Klingenfelt et s'apprêtent à célébrer les 60 ans du patriarche tant aimé ; Helge (Hervé Blanc

Mensonges, non dits, manipulation sont d'autant plus forts dans cette adaptation qui joue tant face caméra que hors champs. 
Toute la tension dramatique du film est ici retranscrite. Mathias Labelle qui nous avait déjà marqué dans Nobody n'a rien perdu de son talent : il est totalement habité par son personnage. Il fait face à un Hervé Blanc non moins saisissant dans son rôle de père-bourreau. 

Dans ce vaste dispositif scénique, Cyril Teste a fait le choix de ne pas guider son public. Les spectateurs sont libres de regarder l'écran ou le plateau. Détourner le regard serait faire partie de la famille qui refuse d'admettre sa gêne.
Le jeu habile avec les odeurs complète l'immersion progressive dans ce huis clos : fleurs, parfum féminin, mousse de forêt...
Le collectif MxM offre encore un grand moment de théâtre parfaitement maîtrisé sans s'éloigner de l'esprit du film.