_jeanne_dark_ @Théâtre de la Commune, le 04 Octobre 2020

 

© Marion Siéfert

En 2018 déjà, le binôme Marion Siéfert / Helena de Laurens questionnait l'adolescence dans le spectacle Le grand sommeil (souvenir ici) dans le même cadre du Festival d'Automne dans les mêmes murs - seule la salle diffère -. Cette fois, le duo féminin décide de jouer sur les planches ET le virtuel, plus particulièrement sur le réseau social Instagram - qui fête en 2020 ses 10 ans -. Helena de Laurens entre sur le plateau blanc vêtue d'un anorak vert qu'elle délaissera. On ne voit pas son visage, seule sa chevelure brune dépasse de la capuche. Sans un mot, elle active le direct. Son visage est désormais visible de tous les spectateurs par le biais de deux écrans latéraux. 

On retrouve Jeanne. Mais cette fois, Jeanne est l'aînée d'une fratrie de trois enfants, de parents "cathos", elle vit dans une banlieue pavillonnaire d'Orléans. Si on fait allusion à Jeanne d'Arc, d'une certaine manière elle entend aussi des voix. Malheureusement pour elle, porteuses de railleries autour de sa virginité. L'adolescence, l'âge ingrat par excellence. Elle décide de se raconter, le temps d'un "live" Instagram. Et ce live Instagram est accessible à des spectateurs extérieurs au plateau qui, en se connectant au compte créée pour l'occasion "_jeanne_dark_",  assistent à la représentation. 

Tantôt sur trépied tantôt dans la main, le téléphone enregistre les métamorphoses grâce aux filtres (masques vidéos en réalité augmentée), les danses, des pétages de plombs et autres émotions fortes de l'ado. Aucun autre personnage ne l'accompagne. Elle est seule face à tous. Sa mère n'interviendra que par le biais de SMS en ouverture et vocalement en clôture. 

L'exercice est complexe : se voir pendant 1h30 sans avoir à se regarder, se confronter aux regards des autres en sachant pertinemment qu'une partie d'entre eux ne sont pas présents physiquement - certains spectateurs se manifestent par messages ou par simples envois de smileys ou emojis -. Très vite, on se concentre sur les écrans, pour la voir elle et parfois, on détourne le regard pour le porter sur le plateau pour la regarder se déplacer. La danseuse Helena de Laurens a su donner à son personnage une véritable dégaine qui lui est propre. Le binôme de filles signe un objet théâtral totalement inédit qui fonctionne à merveille et qui réussira peut-être le pari de faire venir les plus jeunes au théâtre. 


 

Gold Shower @Maison de la musique - Nanterre, le 02 Octobre 2020

 

© ADELAP

Gold Shower est avant tout une rencontre de corps, d'univers, de génération. Il serait bien réducteur de parler d'une création d'un jeune danseur et d'un vieux pour parler de François Chaignaud et d'Akaji Maro. La danse contemporaine flirte avec une danse ancestrale. Et le résultat de ce mélange est de toute beauté. 

Akaji Maro entre le premier sur le plateau, sa silhouette blanche est très légèrement éclairée. Il longe la scène avec une grande légèreté, tel un fantôme. François Chaignaud doré émerge du bassin avec une coiffe elle aussi dorée digne d'une couronne de laurier, le tout dans un cri sans bruit. Au bord du bassin, les deux hommes se retrouvent, jouent ensemble, se séduisent, s'apprivoisent. En lui tendant un miroir, Akaji Maro donne l'impression de devenir Echo qui tombe sous le charme de Narcisse. Les deux deviennent finalement un couple complice qui offre des moments d'une grande variété de registres. 

Lorsque Chaignaud se retrouve corseté, Majo s'assure du bon laçage, le promène sur le plateau. Quelques mouvements, qu'on croirait empruntés au flamenco, font vibrer intérieurement. Les deux danseurs jouent sur leurs différences et s'associent pour un spectacle avec une grande sensualité et beaucoup d'humour - les 2 finissent par uriner dans le bassin comme des mômes - jusqu'aux saluts clownesques dans leurs burlesques costumes floraux sur fond de musique de cirque. La sensation que l'un comme l'autre poursuit son apprentissage.