Légende d'une vie @Lucernaire, le 08 Juillet 2018



Le théâtre noir du Lucernaire fait office de bureau, celui de Clarissa Von Wengen (Caroline Rainette), secrétaire personnelle et biographe attitrée du célèbre poète Karl Amadeus Franck. Clarissa s'agite dans tous les sens pendant que le fils de l'écrivain, Friedrich Marius Franck (Lennie Coindeaux) fait les cent pas, il commence à ressentir à ce qui s'apparenterait au trac. Il ressent sur ses épaules le poids de la gloire de son père disparu et les attentes du public. En effet, ce soir-là Friedrich s'apprête à présenter ses premiers travaux artistiques au public venu des quatre coins du monde pour les découvrir. Le fils Franck se sait donc particulièrement attendu. Tout finit par se dérouler à merveille. Toutefois, Clarissa s'enivre et craque. Elle révèle la part d'ombre de la figure paternelle.

Comme toujours dans les textes de Stefan Zweig il est question d'émotions et de psychologies. Le jeune fils Franck pensait trouver le réconfort dans le bureau de la secrétaire qu'il connait depuis son plus jeune âge. Il venait pour confier ses angoisses, il ignore que Clarissa va lui livrer la vérité sur son père. Friederich Marius Franck est alors tiraillé entre l'admiration et la répulsion pour un homme qui a consacré sa vie à son oeuvre. Sa femme et sa biographe n'ont fait qu'entretenir cette légende. Et c'est au sein même de ce duo que l'on apprend qu'une autre femme a, elle aussi, complètement été écrasée par Karl Amadeus ; Maria Folkenhoff (Anne Deruyter prête sa voix pour l'occasion). Amante de Karl Amadeus, c'est celle qui semble le connaître le mieux.

Dans l'oeuvre originale, Zweig fait intervenir huit personnages.
Pour son adaptation, Rainette n'en retient que deux. Elle incarnera Clarissa Von Wengen : mélange de la demie-soeur de Friedrich et du biographe (personnage originellement masculin) et Lennie Coindeaux le fils Franck. Avec force et justesse, le duo évolue dans un décor où quelques valises sont parsemées ça et là, un téléphone à cadran, ravivant les années 1920. Patrick Poivre d'Arvor prêtera sa voix le temps d'une conversation téléphonique, interprétant le critique Docteur Klopfer. A mesure que son personnage se libère Lennie Coindeaux gagne en maturité avec lui. Douce, Caroline Rainette captive. Elle est l'élément clé tout en complexité, la comédienne - metteure en scène lui donne ici une personnalité plus profonde.

Avoir fait le choix de se concentrer sur ces deux personnages renforce le huis clos et embarque les spectateurs dans l'intime comme s'ils observaient la scène depuis une serrure. L'intégration d'images en noir et blanc apporte une touche dramatique : entretenir le souvenir pour Clarissa et le clarifier pour Friedrich.







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