Perdre son sac @Bouffes du Nord, le 09 Février 2023

Une bâche bleue étendue tel un rideau. Un carré blanc posé à même le sol. Un seau, sa serpillère et un produit d'entretien. Un caddie. Et les vieilles pierres des Bouffes du Nord. La jeune actrice révélée par le film Papicha - qui lui a valu le César du meilleur espoir féminin - Lyna Khoudri, vêtue d'une salopette couleur crème et d'une veste en jean, pénètre dans l'arène d'un pas décidé, le balai-raclette tenu fermement dans les mains, lampes blafardes en contre-plongée. 

© Louise Quignon
Elle déverse sa colère face aux spectateurs. Porte-voix d'une génération sacrifiée, elle s'en prend aux adultes - ceux qui ont vécu les lendemains qui chantaient et laissé les lents demains qui déchantent aux suivants -. Tel l'anti-héros de Koltès de La nuit juste avant les forêts, Pascal Rambert lui offre un texte où elle apostrophe le public, pris à partie. Elle raconte sa chienne de vie. Bac +5 et obligée de cumuler les petits jobs dont un de laveuse de vitres dans une onglerie. Un mot qui l'horripile au plus haut point. Mais c'est dans ce cadre qu'elle a rencontré Sandrine. Sandrine, femme de sa vie fantasmée.  

Voilà qu'elle bascule de la colère à la déclaration d'un amour ardent, d'une passion qui la brûle. Autant de colère que d'amour en elle, finalement. Une quarantaine de minutes durant, la petite brune à la mèche bleue - qui n'est pas sans rappeler le roman graphique Le bleu est une couleur chaude qui donnera son inspiration au film La vie d'Adèle d'un certain Abdellatif Kechiche défendu par l'actrice - débite un monologue, comme un rap, chargé, acéré. Elle s'offrira deux moments dansés ; le premier sur Anarchy in the UK des punks britanniques Sex Pistols, le second sur le silence, elle esquissera un numéro de claquettes russes. L'amertume au cœur, Lyna Khoudri convainc. Perdre son sac pour mieux le vider.

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