Elizabeth Costello @Théâtre national de la Colline, le 14 Février 2025

Le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski n'a pas fini de proposer des spectacles ambitieux. Présenté à la Cour d'honneur au dernier Festival d'Avignon, le voilà repris au théâtre national de la Colline à Paris. 

 

©Magda Hueckel

Quatre heures, c'est le temps sur lequel il a déployé une véritable fresque biographique d'Elizabeth Costello, un personnage de fiction fascinant créée de toutes pièces par l'auteur sud-africain John Maxwell Coetzee. Trois interprètes pour une femme de caractère bien trempé. En témoigneront les différentes conférences universitaires qu'elle anime. Entre provocations et réflexions profondément existentielles, l'écrivaine n'a pas sa langue dans sa poche dès lors qu'elle va jusqu'à comparer l'abattage des animaux pour la consommation humaine à l'Holocauste. 

Le spectacle fait des va-et-vient entre les époques et les différents niveaux de fiction au point de vouloir faire exister la protagoniste dans les têtes, brouillant quelque peu l'esprit du spectateur. Si la scénographie est toujours aussi monumentale et dynamique et les comédiens d'une grande justesse, offrant des images fortes, nous ne comprenons pas toujours le propos. S'il ne faut pas chercher à savoir qui était Elizabeth Costello, il serait intéressant de savoir ce qu'elle pense et ce qu'elle exprime car elle est experte dans l'art de se dérober dès lors que lui est posé une question. Ce n'est pas parce que cet avis est nuancé qu'il faut s'arrêter de suivre l'oeuvre de Warlikowski. Les moments d'égarement réservent de futures belles surprises.

J'ai dans la tête un sac de frappe @Théâtre de l'Aquarium, le 01 Février 2025

Pour entrer dans le spectacle, Sylvain Sounier a conservé les codes d'un certain metteur en scène très en vogue et très apprécié par ici. Il vient nous chercher dans le hall du théâtre, il crie alors qu'on n'est pas encore rentré, il crapahute sur les tables, c'est sa manière bien à lui de nous souhaiter la bienvenue dans son monde et par extension, sa tête. 


Sylvain Sounier
 signe une création singulière dans laquelle la ligne directrice est, sans nul doute possible, l'amour du jeu au théâtre. S'il prend plaisir à singer les metteurs en scène - Vincent Macaigne et Sylvain Creuzevault pour ne pas les nommer - avec qui il a collaboré, il déclare aussi une flamme vive - et loin de s'éteindre - au théâtre. Le décor est minimaliste ; une immense toile blanche qui progressivement perdra de sa pureté avec des mots peints ; "Je me subis". Cette inscription pourrait faire froid dans le dos, elle en dit long sur certaines expériences vécues du comédien, folles sans doute, marquées par la radicalité des spectacles dans lesquels il a pu jouer. 

Les souvenirs, les (dés)illusions s'entremêlent avec humour et gravité, parfois. Les personnages sont nombreux, tous aux personnalités flamboyantes. Le comédien ne se ménage pas en se démultipliant autant. J'ai dans la tête un sac de frappe ou la beauté d'un geste sans répit. 

Le monologue de Sounier ne fait pas dans la poésie, elle n'y aurait pas sa place. On se laisse, à notre tour, frapper par la franchise qui parfois peut sembler parfaitement improvisée. Le comédien est accompagné en musique par Maxime Kerzanet, qui lui offre des moments de respiration parfois purement électroniques et d'autres, plus classiques ou même punk. 

J'ai dans la tête un sac de frappe est un spectacle que l'on dédiera à tous les comédiens en herbe qu'ils soient amateurs ou professionnels, guidés si ce n'est par l'amour du jeu, la passion d'un art total : le théâtre.