Proces @Théâtre de l'Odéon, le 27 Septembre 2018


Proces © Magda Hueckel
Et si d'autres procès sont attendus à travers le monde, c'est celui du polonais Krystian Lupa qui a suscité l'attention des spectateurs du Festival d'Automne - et les autres -. Une adaptation dans laquelle qui mêle le roman de Kafka et la situation du metteur en scène vis-à-vis du gouvernement de son pays. A noter également que Lupa s'est exprimé publiquement sur la nomination à la tête du Teatr Polski de Wroclaw - où devait être créée la pièce - de Cezary Morawski, comédien de séries télévisées qui ne dispose d'aucune connaissance théâtrale et n'a jamais été amené à en diriger auparavant. Cette opposition publique a valu à Lupa et sa troupe une convocation au tribunal : un procès dans le procès. 

C'est sur les planches du théâtre de l'Odéon que pas moins de dix-sept comédiens polonais vont s'échanger les répliques du roman inachevé de l'écrivain pragois et ce, pendant près de cinq heures. La pièce s'ouvre sur un poste de télévision allumé, sorte de rappel contextualisant la situation actuelle dans laquelle est plongée la Pologne.

La scénographie est une grande réussite : un savant mélange d'images filmées et juxtaposition de toiles en tulle abritant des décors d'intérieur d'époque. La troupe qui circule dans tous ces espaces est tout bonnement remarquable : justesse des émotions et rigueur semblent être les directives. Le metteur en scène septuagénaire ne manque pas de faire quelques petites interventions orales en français que l'on peut trouver caustiques. Ce qui frappe dans cette adaptation : le dédoublement des acteurs pour interpréter Franz K. L'un, très vif, qui tente désespérément de se sortir de la situation, de comprendre ce qui lui arrive et l'autre, nettement plus obscur, en proie au désespoir.

Le pessimisme kafkaïen se reflète ici avec des scènes parfois très sombres comme l'exécution de ces nombreux accusés auxquels on a collé un ruban d'adhésif noir sur la bouche. Une métaphore, sans nulle doute, de la situation que les comédiens et leur metteur en scène vivent actuellement en Pologne. Nous retiendrons également une partie étouffante où la noirceur côtoient des corps pâles : les comédiens sont totalement nus, ils partagent leurs réflexions dans un dortoir qui, très vite, prend des allures de camp.

Spectacle fleuve, fresque contemporaine et résolument politique, ce Proces est une création qui marquera les esprits.








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