Un vivant qui passe @Théâtre de la Bastille, le 03 Décembre 2021

 

© Jean-Louis Fernandez

Quand nous avons choisi ce spectacle inscrit dans la programmation du Festival d'Automne, nous ignorions que nous irions voir la lecture de Sami Frey au Théâtre de l'Atelier quelques mois plus tôt. Aucun risque de comparaison possible, les deux exercices sont nettement différents et ne provoquent absolument pas les mêmes émotions mais frappent tout aussi fort. Si l'un a choisi la lecture, l'autre a pris le risque de la théâtralité. Le premier se concentre sur la retranscription de l'entretien, le second a eu accès aux rushs non utilisés dans le film Shoah.

La prise de risque est très réussie, intelligente et subtile. 

Le spectacle s'ouvre sur une voix off qui remercie les spectateurs - devenus visiteurs d'un soir - d'avoir fait le choix de la visite documentaire. Nicolas Bouchaud se poste dans un tronçon de décor en carton-pâte sur lequel on visualise une bibliothèque bien fournie peinte, une reproduction de fauteuil légèrement en retrait d'un véritable fauteuil aux mêmes coloris et étrangement un vrai coucou fait le coin. L'homme de théâtre s'inscrit dans une sorte de mise en abyme dans laquelle il jouerait l'acteur, le fabulateur répondant aux questions de l'investigateur Claude Lanzmann - campé par le jeune Frédéric Noaille -. 

Alors que la confrontation Lanzmann/Rossel est froide, particulièrement intense, Nicolas Bouchaud incarne un Maurice Rossel pris aux pièges de ses mensonges, de ses omissions éphémères, errant dans ses souvenirs à mesure qu'il les relate, rendant sympathique et presque comique son personnage. En face, un Frédéric Noaille se glisse dans la peau d'un Claude Lanzmann qui ne manque pas d'enthousiasme, culotté. Le duo, qui d'une certaine manière se décharge le lourd poids dramatique du sujet, va jusqu'à pousser la chansonnette, chapeaux melons vissés sur leurs têtes, en accentuant toujours plus la mise en abyme ; "On fait comme si" sur un air des Marx brothers. Tout en étant suspendu à la tragédie de la situation, le moment chanté apporte un peu de chaleur.

La complicité des deux hommes ne date pas de la veille. Ils se connaissent même très bien, ils ont partagé les planches - jusqu'à très récemment - pour les spectacles du metteur en scène contemporain Sylvain Creuzevault



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