Wasted @Théâtre de Belleville, le 04 Septembre 2023

"Dis-leur que moi j'ai de la peine
Et que ton ombre se promène
Dis leur, dis leur
Comme c'est injuste la trentaine
Et que ton ombre se promène

Baden Baden - Dis leur

© Gulliver Hecq

On n'est jamais vraiment prêts à faire le deuil d'un ami. Jamais prêts à faire face à un départ qu'on n'a pas voulu. Et si ce départ c'était la promesse d'un nouveau lendemain ? Est-ce qu'on peut affronter des lendemains promis aux banalités quand les hier ne sont remplis de rien, du vide ? Est-ce qu'on peut ne jamais être prêts à devenir adultes ? Tant d'interrogations soulevées avec le verbe cru et poétique de l'anglais Kae Tempest dans Wasted - Défoncés en français mais aussi perdus, gâchés, fracassés, décharnés… -. Martin Jobert et ses comédiens lui donnent corps dans une scénographie épurée mais hautement symbolique. 

© Gulliver Hecq

Ted (Tristan Pellegrino), Dany (Simon Cohen) et Charlotte (Kim Verschueren) se retrouvent dix ans après la disparition prématurée de leur ami Tony, pour célébrer sa mort. "Célébrer" dans leur bouche n'est pas synonyme de triste rassemblement, non. Une occasion de plus de se mettre minables. Et soudainement c'est l'épiphanie : que sont-ils devenus en 10 ans ? La culpabilité les ronge progressivement, qu'ils n'ont pas su profiter des jours où tout était encore possible. Ils sont désormais enfermés dans des routines peu enthousiasmantes. 

Sur le centre du plateau, un monolithe lumineux - aux couleurs variées - sur un socle sur lequel les comédiens peuvent s'asseoir entre deux répliques. Une évocation de la pierre tombale mais pas seulement, il devient un café, un hangar où se tiendrait la rave party, un kebab. Pour la drogue, les comédiens soufflent doucement une poignée de paillettes dans un faisceau de lumière. Le tout s'agrémente d'une musique discrète mais bien présente, inspirée - composée par Raphaël Mars - et personnifiée par Fabien Chapeira - également assistant à la mise en scène - qui incarnerait le fantôme de Tony. 

Le trio offre un spectacle doux, sans intensité exagérée. Les comédiens sont sensiblement du même âge que leurs personnages, ils avancent dans la dramaturgie avec un naturel engageant. Ils nous touchent parce qu'ils jouent avec une grande justesse. Et quand ils se mettent à réciter les vers de Tempest en anglais, c'est l'imperfection dans la prononciation de la langue qui n'est pas maternelle qui embellit le propos d'une jeunesse désenchantée, désaccordée.



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