© Gilles Le Mao |
C'est sur un chantier en trifrontal qu'entrent les spectateurs. Un échafaudage placé derrière une certaine travée, un baraquement, une table au-dessus de laquelle un ventilo fait tourner ses pales, un arbre en fleurs et un tuyau peuplent le plateau ensablé du théâtre de la Bastille. Bernard-Marie Koltès lui-même disait qu'il "voit un peu le plateau du théâtre comme un lieu provisoire, que les personnages ne cessent d’envisager de quitter. C’est comme le lieu où se poserait le problème : ceci n’est pas la vraie vie, comment faire pour s’échapper d’ici." Et en effet, les allers-retours des personnages sont fréquents. Fuir ses responsabilités, fuir le pays... Dans Combat de nègre et de chiens, la fuite est la seule issue à la vie, à tout. Le public fait office de gardiens, sentinelles immobiles.
Quelque part en Afrique de l'Ouest, Alboury (Denis Mpunga) s'introduit sur le campement des blancs pour réclamer le corps de son frère décédé sur le chantier géré par ses voisins. Horn (Pierre-Stefan Montagnier) lui assure qu'il fera le nécessaire pour lui remettre. Mais la vérité sur le prétendu accident est bien plus obscure, plus sordide. Horn doit maîtriser Cal (Thibault Perrenoud), le seul (ir)responsable de cette triste affaire. Ce duo complote, s'épuise au jeu, s'enivre en oubliant presque la douce Léone (Chloé Chevalier) qui a quitté la France pour Horn. Ce dernier envisage de se marier avec elle mais la néglige le temps de ses multiples confrontations, tentatives de négociation.
Le collectif Kobal’t s'empare de la pièce de Koltès avec brio dans une mise en scène habitée par une tension crescendo signée Mathieu Boisliveau. Le plateau devient cette zone de combat où les confrontations incomprises s'enchaînent sans faux pas. Le trio masculin porte toute la puissance de la langue koltèsienne pendant que Chloé Chevalier incarne avec une grande justesse la fragilité, la naïveté de Léone.
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