© Pierre Planchenault |
La grande salle du Centre Pompidou est plongée dans l'obscurité. A l'avant du plateau côté jardin, une étrange structure ressemble à un manège de tourne disques. Au même niveau côté cour, une multitude de chandeliers peuple l'espace. L'écran placé en fond de plateau s'allume : le pied de l'artiste en gros plan en pleine session de tatouage. Steven Cohen imprime les mots de l'être tant aimé - Elu - dans sa peau qui donneront naissance au nom de sa création : Put your heart under your feet... and walk ! (Mets ton coeur sous ton pied... et marche !).
Silencieusement, l'artiste entre sur le plateau. Les seuls bruits audibles sont ceux des cercueils blancs maintenus debout faisant office de talons à ses chaussures - déjà surélevées - et ses immenses béquilles. Vêtu d'un bustier blanc et d'un tutu assorti, Steven Cohen traverse le plateau blanc clinique où sont parsemés des chaussons de danse dont quelques uns nous seront montrés à l'écran. Son teint est fardé d'un blanc aussi pur que celui de son costume. Son visage se voit complété par des ailes de papillon, des paillettes, faux-cils et son crâne compte quelques petits arbustes.
De nouveau à l'écran, l'artiste sud-africain déambule toujours en hauteur - les cercueils et béquilles en moins - dans ce qui s'apparente à un jardin japonais. Paisible et plein de grâce, il nous partage ses mouvements dans un univers rêvé presque magique aux couleurs pastels rappelant son costume. Un peu plus tard, il reviendra sur le plateau pour transporter les tourne-disques formant une polyphonie aux sonorités anciennes.
Et là, le rêve s'estompe pour laisser place au cauchemardesque, macabre. Immersion dans un abattoir. L'artiste n'a rien retiré de son costume aux couleurs pures. Le voilà dans le temple de la mort, au milieu des bestiaux suspendus. Il s'immerge littéralement dans un bain de sang. Une bête tuée en parallèle, l'artiste laisse les gouttes tomber sur son visage comme on prendrait la pluie. Le passage est long. Il faut l'admettre ; il est terriblement dérangeant. Trois options : fuir, subir ou fermer les yeux. (J'ai opté pour la seconde en déglutissant le peu de salive qui pouvait encore habiter ma bouche. Je n'avais pas mangé avant et je n'envisageais pas une seconde de le faire après.) La séquence se termine dans un sable noir comme du goudron qui ne laisse entrevoir que son visage.
Pour clore la cérémonie, Steven Cohen allume les chandeliers un à un et prend la parole. Il ne récite aucune prière, absorbe une cuillère à soupe des cendres du disparu et articule quelques mots qui résonnent encore ; "My taboos are not yours" (Mes tabous ne sont pas les vôtres). Il disparaît lui-même progressivement dans un nuage de fumée blanche.
Il est certain que ce spectacle heurtera la sensibilité de certains d'entre nous. Il n'en est pas moins fort, radical et émouvant à sa manière.
Quelques images...
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