Change me @Théâtre Paris Villette, le 19 Novembre 2019


 © Benjamin Porée
Un petit bout de salle de bains côté jardin, une voiture en premier plan. Côté cour, un canapé, une table basse et un écran de télévision. En fond de plateau, une caméra branchée fonctionnelle.

Le spectacle s'ouvre sur la préparation d'Axel. Un son hip-hop sort du poste de radio posé en équilibre sur le placard-miroir au-dessus du lavabo. Routine de soirée : l'ado se rase, effectue quelque pas de danse, se peigne et s'habille. Sa mère débarque en coup de vent pour se maquiller, lui laisser son cadeau d'anniversaire avant de filer travailler. Une dispute éclate. A cet âge-là, ça semble normal. Les propos sont violents. Certains d'entre eux mettent en cause un père, absent ; "S'il n'y avait pas eu de connard, y aurait pas eu ta gueule". La relation mère-fille est tendue.

Pour sa soirée d'anniversaire, la bande de potes se retrouve sur le canapé avec la musique à plein volume. Dans le petit salon familial, les cadavres de paquets de chips rejoignent les restes de pizzas éparpillés dans le salon et les étranges mixtures alcoolisées remplissent les gosiers adolescents. Une ambiance de jeunes fêtards en somme qui s'amusent comme ils peuvent. Tout ce petit monde ne sait rien du secret d'Axel. C'est face caméra comme une audition au commissariat qu'ils se racontent, témoignent de leurs sentiments pour Axel après le drame. C'est finalement dans la voiture que toute l'intensité dramatique se concentre. Et c'est dans ce même véhicule que les vers d'Ovide s'échangeront avec beaucoup d'émotions et que la violence explosera. Cette dernière aura beau être invisible, elle est inouïe.

Axel est interprétée avec brio par Camille Bernon - qui co-signe la mise en scène aux côtés de Simon Bourgade -, a des allures de Laure l'héroïne du film Tomboy en brune. La comédienne touche par sa justesse et la rigueur qu'elle impose tant dans son jeu que dans sa direction. Ses compagnons de jeu la suivent ; Pauline Bolcatto qui alterne le rôle de la mère désemparée et de l'amie bimbo Stéphanie, l'émouvante Léna sera jouée par Pauline Briand et les deux bourreaux sont campés par Mathieu Metral et Baptiste Chabauty.

Le mélange des alexandrins d'Ovide, du texte d'Isaac de Benserade et des morceaux de vie de Brandon Teena permet d'offrir une intrigue qui tient en haleine : comment vont-ils découvrir le secret, comment vont-ils le prendre... Jouer sur l'invisible c'est aussi une manière plus forte de frapper. Jouer avec les sons pour laisser l'inconscient fonctionner. Et finir sur une image magnifique du corps pailleté, scintillant d'Axel dans les bras de sa mère. C'est aussi à l'image de nos jours, la violence existe, on ne la voit pas nécessairement sous nos yeux mais on voit les conséquences tragiques, on entend les témoignages. 

1 commentaire:

  1. Une pièce qui devrait être représentée aujourd'hui pour une bonne prise de conscience de la part de certains qui en ont besoin. Une présentation brève mais parfaitement relatée qui donne envie de voir cette pièce, malheureusement trop tard...

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