Suite à
mon petit retour de lectrice de La mort
est une nuit sans lune, le 17 Septembre dernier je me suis lancée dans une interview de son
auteur ; Renaud Santa Maria.
C’est lui qui a choisi le lieu ; Chez Loulou, son « QG », un
bar-restaurant typiquement new-yorkais sur le boulevard Saint-Germain-des-Prés. Par cette journée
automnale, nous nous sommes retrouvés en
terrasse, chocolats chauds comme collations. Renaud Santa Maria est un homme humble,
pragmatique mais de lui se dégage la véritable allure du poète.
La
quatrième de couverture est un extrait du roman, comment est-ce que tu le
résumerais ?
Euh…Le roman je le résumerai peut-être d’une formule
un peu triviale mais qui en tout me parle : comment avoir le regard du
romantisme du XIXème siècle aujourd’hui ? C’est-à-dire avec tous
les questionnements typiques au
XIXème qui sont: quel est le rapport à la vie ? A la
société ? Et l’individu : comment peut-il se retrouver épanoui en vivant avec les autres ? Et
puis les vrais questionnements qui furent l’apanage des préraphaélistes ou des symbolistes. C’était
finalement ce rapport au sens de la vie, à la quête, à l’absolu. Cela induit forcément
des questionnements un peu plus existentiels comme la mort, l’amour, les
permutés : mythe ou réalité, rêveries, songes ou leurs miroirs. Je crois
que mon personnage principal,Augustin, dans le roman, si tu veux,il est imprégné de tout
ça. Alors évidemment,après,on va comprendre à la fin du
livre ce qui a créée cette fêlure, ce qui a créée qu’inévitablement il s’est
peut-être posé des questions, enfant, beaucoup plus jeune que d’autres. Il est entré
dans le monde des adultes bien malgré lui. Cette solitude-là, elle ne vient pas
d’un trait d’esprit parce qu’il y a évidemment de vraies causes. Mais il
n’empêche que du coup tout son itinéraire sera celui de quelqu’un qui va
toujours se sentir un peu étranger au monde. Pas simplement à ses congénères,
pas simplement à la société en elle-même. Il va même peut-être se sentir
étranger à lui-même. D’ailleurs son rapport avec Raphaël, sans trop vouloir
révéler l’intrigue, qui est son double. Finalement est-ce que c’est son double
ou est-ce qu’Augustin se sent étranger à lui-même ? Et la seule lumière palpable
qu’il va entrevoir dans cette obscurité à un moment donné, ça va être la
possibilité d’enfin ressentir quelque chose à deux lors d’une rencontre
amoureuse. Je crois que le questionnement essentiel de ce livre c’est de se
dire ; est-ce que l’amour sauve de tout ? C’est-à-dire aussi de nos
errances, de ce mal-être vis-à-vis de la vie, de ce côté toujours un peu en
retrait des autres. Est-ce que le rapport à l’amour, à l’autre, peut nous réconcilier avec le monde ? Alors, Augustin pense que oui, probablement...Mais est-ce
que la rupture va lui donner cette réponse qui va faire qu’il se sente quand
même guéri, malgré la rupture, de ce mal-être
qui lui colle à la peau ? Ou est-ce que l’amour est un leurre de
plus ? Voilà, tout
le questionnement va être là. Et évidemment aussi ce qui est très important - parce que les gens me
parlent souvent de cette rupture, de cette rencontre amoureuse, de cette
passion qu’il peut y avoir avec Clara – c’est également cette très très belle déclaration
d’amour à une autre personne. Car même
lorsque le personnage principal vacille au point que l’on pourrait s’imaginer
qu’un jour il finisse au bout d’une corde et bien, pourtant, il ne le fait pas
grâce à ce rapport fusionnel qu’il a avec
sa mère. Donc l’amour quelque part il le
connait déjà, c’est ce qui lui sauve la vie. Maintenant il faut aussi qu’il construise
sa vie d’homme, et ça ne peut naturellement pas être qu’au travers de sa mère.
Voilà si je devais résumer ça serait ça : c’est peut-être un homme d’une
autre époque mais on comprendra pourquoi il a un traumatisme qui l’a conduit à
être différent des autres, si étrangement désespéré, et qui va retrouver ou
trouver tout simplement une lueur d’espoir dans ses ténèbres en rencontrant l’amour.
Mais est-ce que l’amour est un leurre de plus, un malentendu ou quelque chose
qui vraiment va le guérir ? Voilà. (sourire). Pardonne-moi
pour cette réponse très longue.
Non,
non mais vaut mieux et je me rappelle de ta réponse sur le Saint Graal, la
quête du Graal…
La quête du Graal bien sûr !
Cette quête d’absolu !
Comment
tu définirais ton style d’écriture ?
J’vais être très honnête, je sais
que dans ce roman et dans mon autre livre Le Cœur en berne
- et même d’ailleurs dans la quinzaine de nouvelles
écrites pour la revue Bordel – et bien oui, on ne va pas s’mentir : au
départ on est quand même très imprégnés par
ses propres lectures. Celles-là même qui t’ont touché, qui t’ont donné
un autre rapport à la littérature. C’est-à-dire, en ce qui me concerne, les
écrivains qui m’ont ému et qui m’ont donné l’amour et l’envie de vouloir
écrire. Ce qui n’est pas donné à tout le monde. Moi peut-être que je suis bien
tombé, je suis tombé sur les bons auteurs, enfin j’en sais rien mais à l’âge de 12 ans, la
grande claque ça a été Arthur
Rimbaud.
Ca a été une claque
incroyable. J’ai 41 ans donc trente ans plus tard, je ne m’en suis toujours pas
remis, j’suis toujours un peu abasourdi, j’dois avoir une oreille encore sous acouphène
et les yeux qui s’égarent mais vraiment : OUI. Notamment cet aspect démiurge, prométhéen, même
ce côté un peu Sisyphe qu’a Rimbaud à l’égard de la poésie. Et à l’égard de la
littérature de manière générale, car c’est vraiment quelqu’un qui va donner
presque en sacrifice son être tout entier afin d’essayer d’atteindre ce qu’il
va appeler lui - au sens de condition
suprême du poète - le fait d’être
« voyant ». Armé de son
légendaire « dérèglements de tous les sens », sa quête invite à l’alchimie, à l’ésotérisme, à ce combat de tous
les sens pour pouvoir parvenir enfin au regard du savoir qui seul peut décrypter tous
les secrets de l’existence. Et là seulement on peut se proclamer poète.
Alors
évidemment c’était une entreprise perdue d’avance et je crois qu’il le savait
d’ailleurs. Il abandonne la littérature au moment où, très jeune, tu vois, le
désenchantement a pris le dessus. Et je trouve qu’un siècle plus tard, là où il
a abandonné, personne n’a osé prendre la suite ou en tous cas n’y est pas parvenu.
Et c’est peine perdue. Bon voilà. Il y a son rapport à une esthétique
singulière et exclusivement rimbaldienne.
Quand je lis chez Arthur Rimbaud cette terminologie « La liberté libre », je me suis dit ce garçon est un génie
absolu. C’est vrai que moi aussi j’ai eu un parcours un peu solitaire. Ca se
ressent dans le roman et c’est ce qui a fait certainement que je me suis trouvé
aussi une connivence avec Arthur.
Il est dans un tel élan de pureté parfois
- qui est tellement inaccessible au quotidien - que j’me souviens avoir été très
touché par ça parce que j’avais l’impression de le vivre moi-même.
Il y avait
le monde qu’on nous présentait et puis il y avait le monde que l’on rêvait. Et
moi, le monde que je rêvais ne ressemblait pas du tout au monde qu’on me
proposait.
Ce qui m’a conduit à aussi beaucoup de solitude, parfois. C’est ce
que je raconte dans le livre. Enfant, je préférais être enfermé dans ma chambre
à jouer, pouvoir refaire le monde, bâtir un monde à ma sauce plutôt que de jouer avec mes camarades dans la rue au ballon.
Voilà …Mais bon, il faut bien se confronter à ce monde-là et je crois que le
seul moyen de s’y conformer c’est d’y amener quelque chose qui ne nous mette
pas totalement en marge tout en nous
conférant toujours une originalité propre. Rester tout de même à notre place
sans être totalement différent des autres mais
sans pour autant penser comme son voisin ... Et je crois que là pour le coup, ça passe pour
moi par la littérature, pour d’autres par la musique, pour d’autres le théâtre
et ça c’est indispensable.
En
dehors de Rimbaud, tu as bien d’autres
influences …
Oui, bien sûr.
Par la suite,
c’est le courant romantique qui m’a
subjugué parce que j’me suis vraiment retrouvé dans cette vision à la fois
charnelle et désemparée à l’égard de la
vie. Chateaubriand surtout, son rapport à la nature, la grandeur dépassant toutes les lois humaines.
Cette intelligence de la nature qui nous submerge et sans qui, dans le même
temps, nous serions peu de choses. Ce rapport au contact sensitif seul où on se
tait et où on ne fait que ressentir, essayant d’exprimer les sensations qui
nous habitent ou en tous cas : en tentant d’y trouver une véritable
cohérence, une intelligence, une vérité.
Quand tu te retrouves esseulé dans une
forêt, sous des châtaigniers millénaires avec le vent qui te fouette le visage,
avec la mèche qui te caresse les yeux clos, tu as un autre regard sur le monde.
Et puis souvent souvent souvent, ce monde tu vas le comprendre, tu vas revenir
vers lui - ou en tout cas vers la société- par un lien qui souvent va être l’être aimé.
Et j’ai finalement l’impression que c’est
ce que j’ai aimé dans le romantisme. Ce qui ne fait pas de moi un ermite total,
c’est ce « trait d’union », justement, ce rapport d’amour qui me lie avec quelqu’un d’autre.
Et c’est cette personne-là qui va me sociabiliser. Sinon je
pense qu’on peut vivre complètement muet toute notre vie, ce n’est vraiment pas grave. (Silence,
Renaud boit un peu de son chocolat)
Alors il y a Chateaubriand évidemment.
Adolescent, il y a toujours eu également
cette désinvolture que j’aimais beaucoup chez ce génie en cynisme lorsque je
lisais Cioran. Cioran
qui est éminemment pessimiste, mais
pas seulement. Il fut bien trop intelligent pour n’être que cela …Sinon, j’aimais beaucoup la
poésie philosophique ou la philosophie poétique – évidemment - de Nietzsche.
Chez les contemporains français ça a vraiment été les Hussards.
Vraiment tout le mouvement : Michel
Déon, Antoine Blondin, Roger Nimier.
J’aime certains livres de Sartre qui m’ont vraiment beaucoup marqué. La Nausée est un des livres que j’ai le plus lu, le plus de fois et euh… Sartre ce n’est pas rien non plus, Le Mur, les nouvelles surtout L’enfance
d’un chef qui m’a énormément marqué parce que je me suis retrouvé aussi beaucoup.
Et pourtant il ne fait pas a priori partie de ma lignée littéraire, Sartre. Je n’apprécie pas l’homme, ni le personnage mais j’aime vraiment son
écriture. Ca peut paraitre paradoxal mais c’est ainsi.
En ce qui concerne les auteurs étrangers,
je reste admiratif de l’œuvre magistrale
d’auteurs comme : Zweig,
Hesse et Jünger. Ils restent pour moi comme des modèles.
As-tu
souffert du syndrome de la feuille blanche ?
Alors là je vais te répondre très facilement :
Jamais !
Parce qu’aimant énormément l’oisiveté, étant un garçon qui ne
s’ennuie jamais même dans un hall de gare perdu au fin fond de la province en
attendant six heures le prochain train du matin parce que j’ai raté le dernier
du soir. Je suis quelqu’un qui ne s’ennuie jamais. Donc ça a au moins le mérite
de te dire que le jour où je prends la feuille c’est que j’ai déjà une envie
démesurée d’écrire. Etant très oisif, et n’étant pas un besogneux de la
littérature, si je n’ai pas envie d’écrire je ne m’astreins pas à me dire « tous les matins je me lève
à 6h pour écrire de 7h à 10h avant d’aller au travail parce que les vrais écrivains font ça ». Bon. Ce sont des travailleurs. Moi, je ne suis pas un travailleur.
Tu
l’as déjà dit mais on va reprendre la question, dans quel univers littéraire tu
t’épanouis le plus ?
Incontestablement la poésie.
En
fait ce qui est très marrant c’est que dans Le Cœur en berne,
mon premier livre j’ai grâce à mon éditeur Stéphane Million mais
aussi Jérôme Attal, qui est un très
grand écrivain, que j’aime beaucoup qui est aussi édité par Stéphane
Million et Louis
Lanher qui aussi est édité par Stéphane
Million et Au diable Vauvert, ressorti mes poèmes.
Ces trois camarades-là m’ont mis le couteau
sous la gorge en disant : tes poésies, que eux avaient lu un peu
clandestinement parce que je ne les sortais pas de chez moi, faut que tu les
publies. Et c’est vrai que j’ai eu du mal à le faire, mais grâce à eux je l’ai
fait. Mais la poésie c’est vraiment mon premier amour et après j’ai eu mon
déclencheur : Michel Déon et son livre Les gens de
la nuit. Que j’ai lu pourtant à
23 ans hein. C’est vraiment avec Les
gens de la nuit de Michel Déon que je me suis dit là j’vais écrire un roman.
Ce qui ne m’empêchait pas
d’adorer lire des romans etc. Je reviens toujours à Chateaubriand.
Pour moi, Chateaubriand, comme Stendhal sont très importants, Chopin aussi mais je crois que c’est un musicien (rires).
Mais Huysmans et aussi Camus, on ne va pas se mentir, j’aimais beaucoup Camus que j’aime toujours beaucoup.
Il y aurait tant de personnes à citer ! Mais vraiment le départ c’était la
poésie, c’est vraiment Rimbaud, ça a été énormément Nerval, c’était aussi Isidore Ducasse c’est-à-dire Lautréamont, puis Verlaine…
Citer
Rimbaud sans citer Verlaine c’est pas normal (sourire)…
Oui ça je suis d’accord mais
j’aime beaucoup Verlaine,
mais c’est justement parce que Rimbaud et
Verlaine ont été tellement - si je puis me permettre - « associés »
l’un à l’autre que pour le coup je vois vraiment une différence parce qu’elle
est affichée. J’ai cent mille fois la préférence pour Rimbaud
plutôt
que Verlaine.
Très très clairement.
Dans
les remerciements tu cites Robert Smith,
ROVER, PJ Harvey, Mi and L’Au
c’est un peu la bande son idéale pour lire le roman ?
Complètement. Alors là tu…
Complètement. Oui parce que… Pour moi
les deux plus grands arts ce sont la
littérature et la musique. J’serai même peut-être tenté de te le dire, c’est
pas qu’j’suis tenté de t’le dire c’est que je le pense ; la musique est le
plus grand des arts pour moi. Parce que c’est celui que tu reçois les yeux
fermés. Comme disait Chopin :
« c’est la
nourriture de l’âme ».
C’est-à-dire
que tu peux ressentir tout ce qu’il y a de plus merveilleux dans le monde,
fondamentalement, comme ce qu’il y a de plus triste aussi.
Et simplement en
fermant les yeux. Tu reçois. C’est vraiment l’art gratuit. C’est cet art qui te
pénètre comme si c’était quelque chose de naturel. Je considère la musique de
la même manière que je considère le vent ou une tempête.
Mais vraiment,
sincèrement. J’ai l’impression que c’est comme un des éléments de la nature.
Tu
ne peux pas vivre sans et cela te pénètre avec une telle facilité. Qui peut te
faire changer d’humeur, sans que tu fasses grand-chose, c’est ça qui est fort.
Alors que la littérature te demande quand même une démarche. Faut que t’ailles acheter
le livre, faut qu’tu en aies entendu parler, ça peut être fatiguant. C’est
autre chose.
Maintenant c’est vrai que moi, j’ai beaucoup de mal à écrire sans
musique.
Parce que la musique me transporte, parce que je crois que j’ai cette
sensibilité intérieure que j’essaie de cacher évidemment derrière un cynisme
éhonté. Mais je crois que je suis quand même un peu sensible et que donc la musique me transporte très vite. Du
coup, ça se ressent dans mes humeurs,
dans mes émotions, lorsque je me mets à écrire. Ca me baigne, ça me facilite le
travail.
Moi j’écris en marchant. Je marche, je marche, je marche avec des
carnets, toujours avec de la musique, le même parcours dans Paris 5ème
et 6ème qui est exactement le même cheminement d’ailleurs que je
décris dans le livre. Je le fais au moins 3 ou 4 fois par semaine. Et j’écoute toujours de la musique en même temps parce que
cela m’inspire.
Le fait de marcher
participe aussi à faire en sorte que ton cerveau est toujours en éveil. T’es
toujours aux aguets de ce qui se passe autour de toi. C’est normal tu es toujours
plus attentif lorsque tu es au milieu de la rue avec des passants, des voitures
etc... Donc du coup aussi sur les idées, ton cerveau fait en sorte que ton
corps en mouvement fait fonctionner le cerveau encore mieux. Et emporté par une
musique qui te plait, qui te transporte. Voilà c’est génial. J’écris sur des
carnets et après j’arrive chez moi, je rédige en longueur. Quand je rédige en
longueur en revanche, je le fais sans musique. C’est-à-dire que la partie la
plus besogneuse, qu’est moins du ressort de l’inspiration, celle qui est plus
travaillée, plus rigoureuse, je le fais
sans musique. Parce que là, pour le coup, ça me perturbe. Mais la musique est
indispensable. Alors là effectivement avec ROVER j’ai écrit tout le
roman. ROVER qui est un chanteur que j’ai découvert et qui
sincèrement m’a transporté. Il y a cette chanson : Full Of Grace que j’ai dû écouter au moins quarante
fois dans la même journée en boucle.
Et la partie à New-York c’était avec PJ
HARVEY et l’album Let
England shake.
Concernant les Cure, bon
bah, ça c’est un indispensable. De temps en temps quand je suis en manque
d’inspiration, que j’ai trop entendu les albums dont je viens de te parler, il
n’y a qu’un seul groupe dont je ne me lasse jamais c’est les Cure.
Ce qui est génial avec eux c’est qu’ils ont eu autant d’époques très
sombres que très pop. C’est-à-dire que quand je suis dans des passages où je
suis un peu bloqué, dans les passages un peu heureux j’vais plutôt me passer The Love cats qui reflète une époque plutôt rigolote et sympathique du
groupe. Et quand je me dis je ne suis pas assez loin dans la noirceur que je
désire retranscrire, que je trouve plus
les mots, je m’écoute plutôt Pornography et là, bizarrement, ça vient …
Ce n’est pas eux qui écrivent pour moi non plus. Cela m’ouvre simplement des
portes.
La musique, en écrivant, me libère.
Question
cinéma ; si ton roman était adapté au cinéma, qui aimerais-tu voir dans le
rôle d’Augustin…
(me
coupant la parole) Gaspard Proust !
Et
Clara, pas Louise Bourgoin sinon
c’est trop le duo (cf. L’amour dure
trois ans) (rire)
Clara… Clara a fait beaucoup de
théâtre, la vraie Clara… Elle a fait des courts-métrages c’est une très bonne
actrice même si elle travaille plus là-dedans. C’est une très bonne comédienne
donc j’aimerai bien que ça soit elle.
Elle
serait fidèle à son personnage…
Ouais. J’aimerai beaucoup qu’un
long-métrage lui permette d’arrêter les courts-métrages et tout ça. Je serai
très fier que ça soit elle. C’est important que tu le dises.
(petite
note à Caroline, il a insisté, je ne peux guère retranscrire davantage son
enthousiasme.)
Qu’est-ce
que tu as fait dès que tu as fini ton roman, tout bouclé, publié etc ?
Dès que le roman a été fini…
Quand je l’ai rendu à mon éditeur, c’était un dimanche soir, j’ai cru que
j’allais mourir, parce que durant trois
semaines, je fumais trois paquets de clopes par jour, me nourrissant
exclusivement de café tout en vivant 24/24 volets clos. Je me suis vraiment
isolé du monde, perdant sept kilos en trois semaines.
Donc ça a été très
intense. C’est l’épreuve la plus dure que j’ai physiquement enduré de ma vie.
C’est pour ça que le roman que je suis en train d’écrire, je l’écris sur
plusieurs mois. Le nouveau est beaucoup plus détaché etc.
Et puis en plus à
l’époque, ma mère était malade, Palma.
Qui est son vrai nom dans le roman.
Quand le livre est sorti, trois semaines plus
tard Elle décédait. Donc je Lui tenais la main, Elle avait un cancer et je
voulais absolument qu’Elle lise ce
livre. Il y avait une course contre la montre si tu veux. Et Maman c’est le
dernier livre qu’Elle ait lu et je sais qu’Elle est partie avec le sourire et
l’âme en paix parce qu’Elle en était fière de ce livre.
Elle m’a dit « Moi, je pars je te dis au revoir,
ce n’est pas si grave. On se retrouvera. En revanche, ce livre il est
beau, il est pur, il te ressemble. Fais-le vivre.» Cette phrase-là je ne l’oublierai jamais. Et donc il y avait ça
aussi.
Mais ce qui est sûr c’est que j’avais prévu de partir le lendemain matin
avec Sébastien Thoen qui est un excellent ami, qui s’occupe du
groupe Action Discrète (Canal +),
et qui officie maintenant au Grand Journal (Canal +), un peu de pub et de promo ne font pas de
mal …Que j’adore et que je remercie. Il m’avait dit : « le lundi
matin, après avoir rendu ton manuscrit, je t’emmène au Cap Ferret, on part tous
les deux ! » et il m’a pris la
main le lendemain matin tôt quand on a pris le train, j’étais vraiment… si
quelqu’un cherchait à tourner un film
sur les vampires il aurait fallu me prendre parce que j’étais vraiment palot, maigre et tout
tremblotant encore.
Alors mon ami Sébastien a pris soin de moi et m’a fait
vivre trois jours extraordinaires.
J’ai pris le soleil, le rapport à la mer et
pas simplement à la mère au sens maternel, le rapport à l’eau aussi, j’en avais
besoin. Et puis Sébastien, c’est Action Discrète, c’est le
trublion iconoclaste du Grand
Journal c’est quelqu’un qui par sa
joyeuseté et son énergie a pu me sortir de ces ténèbres-là. Même si la fin du
roman est plutôt lumineuse par ailleurs, mais j’étais encore vraiment perturbé,
j’avais vécu ça comme un accident de voiture c’est-à-dire que j’avais vraiment
l’impression d’avoir ressenti les symptômes de dix-sept tonneaux sans ceinture,
tu vois à l’intérieur de la bagnole ? J’me sentais cassé de partout et j’étais
vraiment très fébrile.
En trois jours, Sébastien m’a remis sur pieds. Et je ne
l’en remercierai jamais assez.
On
le félicite alors !
Oh oui ! Je l’aime
d’amour !
Alors
comment est-ce qu’est née la couverture ? Puisque que tu dessines mais
est-ce que c’est toi qui l’a réalisée ou quelqu’un te l’a proposée ?
Alors on a une
chance incroyable avec cette maison d’édition Stéphane Million
Editeur. C’est qu’on a quelqu’un qui travaille sur
toutes nos couvertures et qui est je dirai tout simplement un génie ; (sourire)
Erwan Denis !
Ce qui est incroyable chez lui c’est que non
seulement il a un talent dingue et qu’il fait tout ce que tu veux. Mais c’est
surtout qu’il lit ton livre et c’est quelqu’un qui comme mon éditeur, est très
proche des auteurs.
On le connait tous et il a le don de te cerner en une
demi-heure. Il a cette psychologie en
plus d’être illustrateur. Oui : c’est un très fin psychologue donc il
arrive tout de suite à sonder ton âme (rire). Alors, quand il fait une proposition comme
il l’avait fait pour Le Cœur en
berne, ça fait tout de suite
mouche ! Normalement, pour une proposition de couverture, tu fais
retravailler trois quatre fois la personne en disant « ça j’aime pas, ça
oui ». Si tu veux, lui, la couverture du Cœur en berne immédiatement
j’ai dit « mon Dieu, mais comment a-t-il fait ?!» et là ce qu’il avait réalisé, je
n’ai pas pu lutter.
Il avait même pris une photo pour la couverture que tout le
monde prenait pour une silhouette de Rimbaud et j’en suis très content. Mais c’est moi, il a repris une photo de moi
et voilà. Quand tu vois ça, tu t’inclines.
C’est ce que j’aime aussi beaucoup
chez Stéphane Million c’est qu’il sait s’entourer de gens non seulement intelligents mais également
très doués. Si tu veux c’est un vrai plaisir de travailler dans cette maison
d’édition.
Moi, j’l’ai vu, j’vais pas te le cacher, on m’a envoyé la couverture,
j’étais dans le train. Sur mon portable, j’ai regardé la couverture, je pensais
que c’était trop beau pour moi, j’avais les larmes aux yeux mais des larmes de
joie !
Tu
m’as donc dévoilé un élément ; vas-tu écrire un nouveau roman ? Donc
oui ?
Je suis sur un
autre roman…
Tu
peux m’en dire un peu plus ?
Oui ! C’est un roman qui est
pour le coup… J’ai failli écrire une suite de La mort est une
nuit sans lune et notamment au travers du décès
de Maman et de tout ce que j’ai pu ressentir.
C’était deux ans très durs,
vraiment très difficiles. Un an à tenir la main de ma mère et puis un an,
l’après quoi. Le décès plus assumer la rupture avec Clara.
Bon ça a été dur,
fallait tenir debout. Mais là je suis plus sur quelque chose – et même si je n’aime
pas trop ce mot-là– de « trivial » tout du moins en apparence.
C’est
l’histoire d’une bande d’ami(e)s avec à
sa tête une fille qui s’appelle Mathilde, qui est un des personnages principaux.
Je ne veux pas en dire plus mais ce personnage de Mathilde est très important,
comme une Lou -Andreas Salomé des temps modernes...
Le personnage principal
s’appelle encore Augustin, ce qui est volontaire, j’aime conserver un lien avec
mes autres écrits, car il y a un sens.
Evidemment il y aura toujours ces choses
qui sont symptomatiques de ce que je suis moi-même donc il y aura des regards corrosifs,
comme certains jugements noirs sur le monde, sur la vie. Mais cette fois-ci, j’ai
vraiment opté pour une contrebalance plus loufoque et ironique. Je pense qu’on
va beaucoup rire dans ce livre.
On va beaucoup rire dans ce livre j’en suis
même certain.
On
va être plus heureux alors !
Oui ! Parce que je le suis
plus. Je suis guéri de tout ça et quand on arrive à faire le deuil de sa mère…
Surtout que j’étais presque fusionnel avec Elle. Je me sens presque invincible aujourd’hui (rires).
On dit que tout peut arriver, ça n’a plus
d’importance. J’me sens vraiment plus fort qu’avant.
Je m’en suis sorti, je me
sens plus fort et beaucoup plus heureux bizarrement alors que j’ai vécu les
années les plus noires de ma vie.
J’ai ce souci de me
dire que si par hasard il existe quelque chose après et que ma mère me regarde
je sais qu’Elle me voudrait heureux. Je désire plus que tout qu’Elle soit fière
de moi même si je sais qu’Elle l’a toujours été et je veux lui montrer que :
« oui, Maman, j’ai pris le relais et l’étendard, tout va bien, et tu
n’as pas à avoir crainte de quoique ce soit quant au fait d’être partie
prématurément ».
Parce que c’est ce qui L’inquiétait. De
partir aussi tôt, parce qu’Elle avait le sentiment de m’abandonner et là j’ai
l’obligation de Lui montrer comme aux autres qu’Elle ne m’a pas abandonné parce
qu’Elle m’avait déjà tout donné. Elle m’a déjà équipé d’une manière telle que je
suis plus équipé que la moyenne. Donc, surtout : qu’Elle ne s’en fasse pas
parce que je vais très bien grâce à Elle.
Merci !
Eh bien, écoute c’est plutôt moi
qui te remercie.
Renaud SANTA MARIA (photo de Jérémy MATGUR)
Petite
note ; j’ai mis des « e » majuscules aux « Elle » qui
concernent Palma, car malgré que je n’aie pas pu la rencontrer, j’ai énormément
de respect pour cette femme qui me semble avoir été la perfection en matière
maternelle selon Renaud. Ces quelques mots lui sont adressés : vous êtiez
et resterez le premier amour de Renaud. Merci d’avoir fait ce qu’il est
aujourd’hui ; un homme fort.