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© Simon Gosselin |
Le travail du jeune
Julien Gosselin fascine. Après ses deux spectacles fleuves
Les Particules élémentaires et
2 666 le metteur en scène trentenaire vient faire trembler les murs des Ateliers Berthier après avoir secoué ceux de la FabricA pendant le Festival d'Avignon avec son adaptation trois en un des romans de l'américain
Don DeLillo :
Joueurs,
Mao II et
Les Noms. A noter qu'il s'est autorisé un petit intermède avec un format court pendant le Festival d'Automne : Le Père à la MC93. Nouveau défi. Nouvelle plongée dans la violence pour le collectif
Si vous pouviez lécher mon cœur. Durée du voyage : près de 10h. Deux options s'offrent aux spectateurs : voir l'intégralité sur une journée ou jouer la carte des épisodes. Le choix a été vite fait.
Joueurs, Mao II, Les Noms surpasse
2 666. Encore plus profond, peut-être plus dérangeant mais toujours brillant. C'est une immersion totale, tous les sens sont en éveil - à l'exception sans doute du toucher -. Fidèle à sa pratique du théâtre filmé,
Julien Gosselin démontre à nouveau qu'il maîtrise en offrant toujours plus de plans magnifiques comme par exemple le fait de partager à l'écran le seul reflet des bougies dans les lunettes du comédien
Adama Diop dans la pénombre.
Première étape de ce long voyage :
Joueurs. Rencontre avec un couple moderne américain au bord de la rupture. Lyle Wynant (
Denis Eyriey) et Pammy (
Caroline Mounier) sont des cols blancs. Ils vivent dans les excès en tous genres. Jusqu'au jour où Lyle fait la connaissance d'un réseau terroriste. Le voilà séduit, il plonge aveuglément. Pendant toute cette première partie, tout est visible à l'écran. Tout se joue entre les panneaux de bois totalement opaques. Quelques rares passages laissent respirer les comédiens hors les murs.
Transition sur fond inattendu de karaoké kitsch chinois interprété par
Victoria Quesnel.
Mao II c'est une autre vision du terrorisme : celui qui touche le Moyen-Orient. Les personnages ne sont pas spécialement dans les affaires. Il s'agit cette fois d'un écrivain (
Frédéric Leidgens), son éditeur (
Alexandre Lecroq-Lecerf), un archiviste (
Antoine Ferron), une téléphage (
Carine Goron) et une photographe (
Noémie Gantier). Le fond est nettement plus politique tout en interrogeant la perte d'une identité. En effet, l'écrivain qui vivait caché finira par prendre la place d'un otage.
Qui était-il ? Que voulait-il ?
Nouvelle et dernière transition avec un monologue de
Joseph Drouet sur un fond rouge vif.
Ultime escale :
Les Noms est sans doute la partie la plus complexe, la plus sordide et la plus dérangeante - aspects qui rappellent
2 666 -. Des couples américains plutôt fortunés se retrouvent en Grèce, ils racontent leurs trains de vie confortables passés aux quatre coins du monde. Le personnage d'
Adama Diop s'avère fasciné par une secte criminelle qui tue en s'appuyant sur les lettres de l'alphabet. Cette partie dérange par la présence de certaines images : un homme ensanglanté qui glisse longuement dans son propre sang et s'exprime dans un langage incompréhensible. Plus d'écran pour permettre une certaine distance, il patauge sous nos yeux.
Les trois musiciens qui jouent en direct sont toujours sur ce registre électro assourdissant parfois nerveux mais tellement entraînant. Le collectif
Si vous pouviez lécher mon coeur n'a rien à prouver : le talent les habite, ils ont tous le sens de la performance pleine de rigueur et d'énergie.
Julien Gosselin peut avancer dans ses projets en toute confiance : il bouscule, il surprend, il captive !
Le teaser du spectacle >>
https://vimeo.com/296386341