|
« Le remède à l'ennui, c'est la curiosité. La curiosité elle, est sans remède. » Ellen Parr
Quand j'avais cinq ans je m'ai tué @Cresco Saint-Mandé, le 18 Janvier 2022
Le jour où j'ai compris que le ciel était bleu @Théâtre de Belleville, le 16 janvier 2022
Il ne lui manque rien, c'est nous qui sommes perdus
- Laura Mariani -
© Clémence Demesme |
Quelle jolie découverte que Le jour où j'ai compris que le ciel était bleu !
"To be a star" rythme ses journées, ses nuits, sa vie. Claire ne voit rien d'autre. Claire a tout d'une jeune de son âge. A peu de choses près... Claire est autiste. Et un jour, elle commet l'irréparable qui lui vaudra d'être internée en hôpital psychiatrique. Son frère veille sur elle avec beaucoup d'affection qu'il sait qu'il n'aura pas en retour. Il est seul pour s'occuper d'elle ; leur père est parti, leur mère est décédée. Le garçon a gardé la ligne téléphonique active pour que sa jeune sœur puisse joindre à sa manière sa mère. Claire lui laisse de nombreux messages dans lesquels elle se confie comme à un journal intime. Elle comprendra bien assez vite que son frère les écoute.
De sa chambre à l'hôpital au commissariat, en passant par les cabinets des différents médecins Claire subit les jugements extérieurs en toute impuissance. On conservera le dernier lieu secret. Le changement de décor s'opère de façon fluide.
Le jour où j'ai compris que le ciel était bleu est un travail magnifiquement abouti, porté par des comédiens tous brillants. En premier lieu, Pauline Cassan qui nous embarque complètement dans le rôle de Claire, dans ses angoisses, dans ses mondes, ou du moins, sa réalité. Non loin derrière, Anthony Binet, Sylvain Porcher, Odile Lavie, Alice Suquet et Vincent Remoissenet. Laura Mariani qui signe à la fois la mise en scène et le texte maîtrise parfaitement son sujet et ne se laisse pas tomber dans le pathos en se mettant à la plus juste distance ; c'est parfois grave, drôle par à-coups et particulièrement lumineux.
Andy's gone (intégrale) @Théâtre Dunois, le 15 Janvier 2022
© Marc Ginot |
C'est avec un casque vissé sur les oreilles que nous entrons dans la grande salle du théâtre Dunois pour l'intégrale d'Andy's gone, une adaptation libre d'Antigone que signe la québécoise Marie-Claude Verdier. Mettons de côté le cadre antique de Sophocle ou celui de la Résistance de Jean Anouilh pour un monde en proie à une catastrophe climatique. L'état d'urgence est déclaré.
Les spectateurs se font citoyens. Ils sont accueillis sur le plateau, où le décor est particulièrement minimaliste. Ils ne font pas face aux gradins. Libres à eux de regarder dans le sens qu'ils souhaitent. Seuls des néons blancs positionnés en H éclairent le plateau. Régine, la reine du royaume - Vanessa Liautey, en alternance avec Marilyne Fontaine - a réuni ses sujets pour les informer des dispositions pour faire face à la situation dramatique qui secoue le royaume et pleurer la disparition de son fils promis au pouvoir, Henri. Sa nièce, Alison - Manon Petipretz - choisit l'engagement dans le sens de la liberté tout en s'inquiétant de la disparition mystérieuse d'Andy.
Une première partie sous le signe du conflit. Les comédiennes investissent l'espace scénique en se livrant à des joutes verbales particulièrement fortes, des chorégraphies de luttes millimétrées. Les spectateurs sont comme pris à partie. Ils entendent également ce qui se passe hors plateau, les pensées des personnages leur deviennent familières.
La seconde partie plus sentimentale, plus mobilisatrice pour le public, se concentre sur le retour d'Andy - Enzo Oulion en alternance avec Maxime Lélue - qui surprend sa propre mère. Andy se met à la recherche d'Alison et appelle le public à l'aide. Si la création musicale dans la première partie n'était pas aussi présente, elle est plus forte ici. Heroes de David Bowie résonne à juste titre.
La compagnie Adesso e Sempre réunie autour du metteur en scène Julien Bouffier livre un spectacle résolument contemporain de par l'ingéniosité de son dispositif. Le minimalisme scénique pour laisser plus de place au public dans sa compréhension, dans son engagement. Aucun doute pour la réussite d'un pari tourné vers l'adhésion du public adolescent. Au-delà de la jeunesse des comédiens, le thème de la rébellion aux couleurs actuelles - migrants, crise climatique - font revivre l'œuvre d'Antigone pour mieux les sensibiliser au monde qui nous entoure. Le message passe.
La pierre @Théâtre de Belleville, le 10 Janvier 2022
© Jérémy Breut |
Tout au fond du plateau trônent des graviers. Au premier plan, une table carrée, des chaises sont disposées tout autour. Légèrement plus loin, côté jardin, une balançoire. Les années sont projetées sur le mur noir, nous commencerons en 1993 pour mieux faire des va-et-vient entre présent et plusieurs moments décisifs du passé allemand : 1935, 1953,1978 et enfin, 1993. Trois générations de femmes sont réunies autour de la table. La plus âgée se garde une place curieuse sous le carré.
Tout le charme de cette pièce que signe l'allemand Marius van Mayenburg réside dans son fonctionnement en puzzle. Alors que le dramaturge nous habituait à une écriture cynique, La pierre est plus énigmatique mais toute aussi puissante que son Visage de feu. La pierre est l'histoire d'un passé familial malléable, l'histoire des "petits" mensonges arrangeants, l'imbrication des histoires dans l'Histoire. Préfère-t-on une vérité qui blesse à un mensonge qui fait du bien ? Toute vérité est-elle bonne à dire ? Vous n'en aurez jamais vraiment la réponse. On assiste à une valse en deux temps ; celle des fantômes et celle de mensonges. Le lourd héritage d'un passé complexe.
Blanche Rérolle s'entoure de comédiennes particulièrement brillantes, au jeu profondément sincère : Anne Burger, Sophie Deforge, Garance Morel avec une mention particulière pour la grande sensibilité de Christabel Desbordes qui nous a beaucoup touchés. La figure masculine idéalisée n'est pas laissée sans reste, Marc Stojanovic excelle (en alternance avec Hugo Tejero). La scénographie que signe Clarisse Delile est particulièrement habile. Le glissement entre les années s'opère en lumière grâce aux projections au mur et à d'astucieux fondus au noir pensés par Samy Azzabi. Mais aussi, c'est au subtil retrait d'un accessoire que porte Christabel Desbordes que l'on se resitue dans le temps.
L'image @Lucernaire, le 09 Janvier 2022
© Pierre Grosbois |
Après Cap au pire et La dernière bande, le duo Lavant - Osinski reprend son aventure Beckettienne dans les murs du Lucernaire pour L'image. L'image ce sont en vérité quatre textes : L’image, Un soir, Au loin, un oiseau et Plafond que l'on retrouve dans un recueil beckettement intitulé Pour finir encore et autres foirades.
Dans cette même mise en scène minimaliste, Denis Lavant est plongé dans l'obscurité totale. Les mots naviguent dans l'espace, ils percutent les murs et reviennent au visage. Toujours impeccable, la diction de Lavant se savoure. Il incarne les mots, plus qu'il ne les dit. Son corps immobile pour la majeure partie du temps s'accorde quelque déplacements, toujours dans la pénombre. Le théâtre à nouveau réduit au dire, au langage à ce qu'il offre de plus fort. Le son et L'image.
Un moment planant, suspendu où seuls les mots et la voix vous accompagne. Le hasard a poétiquement voulu que le duo pose ses bagages dans la plus haute salle du théâtre ; la salle Paradis. Mais les mots de l'auteur ne décrivent pas le prétendu paradis, ils dépeignent l'existence dans ce qu'elle a de plus absurde.
J'attends que mes larmes viennent @Monfort Théâtre, le 07 Janvier 2022
Comédie / Wry smile Dry sob @Centre Pompidou, le 06 Janvier 2022
© Simon Gosselin |