© Caroline Ablain |
Le mythe d'Antigone ne cesse d'attirer les curiosités et enthousiasmer les metteurs en scène. La dramaturge Marine Bachelot Nguyen fait partie de ceux-là. Inspirée par le personnage titre de Sophocle, elle renomme la protagoniste Akila et la propulse dans une France secouée par les attentats terroristes.
Les spectateurs assistent à une minute de silence dans un lycée francilien suite à une attentat perpétré aux abords du Trocadéro. C'est à ce moment qu'Akila (Nikita Faulon) - dont le frère fait partie des auteurs de cette barbarie - provoque la stupeur en recouvrant ses cheveux d'un voile blanc. Elle suscite l'indignation, l'incompréhension de ses camarades et professeurs. Le proviseur ne perd pas de temps, la convoque et lui rappelle l'interdiction de porter le voile à l'école au nom de la sacro-sainte laïcité. La jeune fille ne se laisse pas impressionner et entre en résistance. Elle va jusqu'à se rendre à l'enterrement de son frère, s'opposant à l'avis de sa famille, toujours les cheveux couverts.
Tout le spectacle met en avant toutes les questions qui peuvent être soulevées par la loi de 2004 - Les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive. - qui, selon son auteur, s'inscrit dans le prolongement de la loi de 1905. Et c'est là que brille l'écriture de Marine Bachelot Nguyen. L'auteur ne s'enferme dans aucune école de pensée et met en lumière avec pertinence les paradoxes et ambiguïtés autour de ce texte de loi. Mais pas seulement, elle questionne les chemins qui mènent au terrorisme, elle met en perspective les éléments et invite le spectateur à se faire son idée. Elle glisse quelques allusions aux bavures policières et exclusions que notre société contemporaine entretient.
Dans une écriture fine, rythmée et actuelle, Marine Bachelot Nguyen conduit sa troupe dans un tourbillon de questions on ne peut plus judicieuses. Si la pièce n'est pas écrite en priorité à destination d'un jeune public, elle fonctionne très bien pour capter et retenir son attention - on pense notamment au choeur qu'elle revisite avec brio sur fond de rap pensé par Raphaël Otchakowsky -. Elle s'entoure de comédiens talentueux issus d'horizons différents - Mouna Belghali, Hiba El Aflahi, Nikita Faulon, Damien Gabriac, Thomas Germaine, Arnold Mensah et Raphaël Otchakowsky - qui nous embarque dans leur histoire sans impair. On salue également l'ingéniosité du dispositif scénique conçu à partir de trois modules mobiles dont le central qui joue sur la distance et différents rapports de force entre les personnages.