« Le remède à l'ennui, c'est la curiosité. La curiosité elle, est sans remède. » Ellen Parr
François d'Assise @Théâtre de Poche-Montparnasse, le 17 Juin 2018
Le plateau est plongé dans l'obscurité, quelques oiseaux chantent comme à l'aube dans une forêt, Robert Bouvier est de profil, assis,
replié sur lui-même. Progressivement, la lumière s'installe dévoilant un décor plutôt épuré : une bande représentant un champ de blé, d'immenses plaques métalliques sur lesquelles seront projetées une pleine lune poétique.
Bouvier incarne François d'Assise. L'interprétation d'un homme émerveillé en permanence, qui portait en lui l'amour de l'humanité, de la Nature et de Dieu. Tout en crescendo Bouvier emmène le public avec lui et le fait traverser le temps, naviguant entre les moments de jeunesse et les moments de sagesse de celui qui sera élevé au rang de saint.
Le texte de Delteil n'évoque que très peu la foi. C'est avant tout la volonté de partager, par le biais du récit, l'extase d'un homme qui s'est laissé transporter par la beauté de son environnement, plein de vie. Pendant plus d'une heure, Bouvier envoûte les spectateurs en les entraînant dans la plongée jouissive de son personnage dans le monde fascinant des hommes pour terminer dans sa quête spirituelle.
Le comédien déploie toute son énergie - mise à l'épreuve depuis 1994 - pour jouer ce qui a habité François d'Assise tout au long de son existence : admiration, sensualité, questionnements... Le metteur en scène disparu Adel Hakim peut se rassurer ; son comédien livre une remarquable performance.
Tu seras un homme Papa @Théâtre de l'Oeuvre, le 04 Juin 2018
Avant de prendre la route du festival off d'Avignon, Tu seras un homme papa pose ses bagages le temps d'une première au Théâtre de l'Oeuvre.
Tu seras un homme Papa est un spectacle personnel, très intime.
Gaël Leiblang, seul en scène, raconte l'épreuve qu'il a été amené à surmonter avec ses proches : la mort prématurée de leur petit garçon Roman. Né en 2014, l'enfant aura expérimenté la vie 13 jours.
Leiblang se sert de la rhétorique sportive - qu'il connait bien en qualité de journaliste sportif - pour raconter le drame.
Le spectacle s'ouvre sur une conversation avec une boulangère qui s'émerveille devant les trois filles de Leiblang.
Ce dernier s'est habitué à ce qu'on lui pose la question de savoir s'il n'a jamais voulu de garçon. Et là, façon carnet de bord, Leiblang narre sa course, son combat.
C'est avec un astucieux dosage d'humour que le journaliste sportif parvient à faire le récit de la trop courte existence de son enfant.
Sans la moindre chute dans l’apitoiement, Leiblang se libère. Il mêle ses rêves, ses espoirs à la réalité. Tantôt il parle à ses autres enfants tantôt aux médecins de l'hôpital Necker. Il donne de son énergie : corde à sauter, course, boxe pour faire face à la tragédie annoncée.
Gaël Leiblang parvient à transmettre un témoignage sensible et sincère dans une expérience théâtrale unique dans ce registre complexe qu'est le théâtre de l'intime.
L'Avare @Théâtre de l'Odéon, le 01 Juin 2018
Ah L'Avare. Durant ma scolarité je me souviens l'avoir étudié. Il nous fallait apprendre le fameux Acte I Scène 3, je lançais alors la tirade à mon camarade de classe "Hors d'ici tout à l'heure, et qu'on ne réplique pas." Premiers pas sur les planches - de l'estrade -. Je me souviens de l'adaptation de Louis de Funès étudiée en parallèle. Et si cette adaptation était plutôt bien réalisée, je n'ai pas pris le temps d'en voir d'autres. Il m'a donc fallu attendre le vendredi 1er Juin 2018 et parcourir la programmation de l'Odéon pour en voir une nouvelle. C'est donc l'adaptation signée Ludovic Lagarde qui m'a permise de redécouvrir le classique.
Harpagon est ici interprété par un Laurent Poitrenaux débordant d'énergie. Il en fait un avare survolté, tyrannique, qui terrorise son entourage et obsédé maladif par l'argent. Pendant un peu plus de deux heures, Poitreneaux nous fait tantôt rire tantôt grincer des dents. Ses proches subissent et le public finit par se faire prendre à partie lui-aussi. Les jeunes comédiens - Tom Politano, Myrtille Bordier, Alexandre Pallu, Louise Dupuis, Julien Storini et Marion Barché - qui l'entourent n'en sont pas moins talentueux.
L'adaptation est contemporaine; la scène se déroule dans un entrepôt où s'accumulent les cartons. On imagine alors facilement la rétention de biens d'exception.
Si le metteur en scène s'accorde à dire que le fond du texte est comique, sa lecture est nettement plus sombre, plus provocante et brillante. Lagarde prend soin de noircir la comédie en passant sous silence la scène de résolution des mariages. La scène finale devient un prolongement de la personnalité cruelle d'Harpagon.
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