La dernière fois qu'on a vu une création d'un autre enfant terrible du théâtre Sylvain Creuzevault pour ne pas le nommer c'était aux Ateliers Berthier (Odéon 17ème) pour Edelweiss France (Fascisme). On n'en a pas parlé ici. Non pas qu'on n'ait pas aimé. C'était un exercice de très bonne facture mais on a eu un peu trop d'absences - les signes de fatigue sont terribles - et l'œuvre était particulièrement dense. Plutôt que risquer un retour à mi-parcours, on a préféré ne rien dire. Rattrapage efficace avec L'Esthétique de la résistance et inscrit dans un drôle de concours de circonstance.
© Jean-Louis Fernandez |
Entre 1971 et 1981, Peter Weiss signe trois tomes d'une œuvre qualifiée aujourd'hui de chef-d'œuvre de la littérature du XXème siècle. Plus de 800 pages sans dialogue ni paragraphe. La matière de départ est pour le moins périlleuse et ambitieuse : "Une Iliade du mouvement ouvrier et de la lutte contre le fascisme au XXe siècle, voilà ce qu'est L’Esthétique de la résistance, roman-monde de l’écrivain et dramaturge allemand Peter Weiss" écrivait Le Monde en 2017.
Creuzevault et sa compagnie Le Singe adossés aux étudiants du groupe 47 de l’École du Théâtre National de Strasbourg sont parvenus à recréer la fresque politique en la soutenant rythmée et accessible - tant par la langue que l'approche scénique -.
Pas moins de 17 comédiens sur le plateau qui font le récit de l'impact de la micro-histoire dans la grande Histoire. Les œuvres peuplent le plateau. Et ce, parfois totalement recrées devant nous - mentions spéciales au 3 de Mayo de Goya et à la séance de travail de Mère courage -. Et c'est ce côté très picturale qui est très fort dans ce spectacle, au-delà de sa dimension politique. Les comédiens parviennent à tous nous toucher de par la grande sincérité de leur jeu.