Comment procéder à une
chronique en peu de temps après avoir vu le spectacle fleuve du jeune Julien Gosselin ? Essayer de
décanter au maximum, distiller les parties, se remémorer sans frémir…
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2666 © Simon Gosselin |
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avant d’être adapté au théâtre est le dernier roman inachevé du chilien Roberto Bolaño. Initialement, l’œuvre
d’un peu plus de mille pages au compteur devait être divisée en cinq tomes
respectant les cinq parties du roman. De ce qu’on raconte, Bolaño demanda à ce que le rythme soit d’un tome par an afin
d'assurer un revenu à ses enfants après sa disparition. Cette volonté ne sera
visiblement pas respectée.
Un peu plus d’onze
heures. C’est ce qu’il aura fallu au jeune metteur en scène pour parvenir à
proposer un spectacle à l’image du roman. Raconter une histoire unique serait
complexe, les cinq récits pourraient fonctionner en toute autonomie. Mais, deux
éléments rappellent qu’ils sont étroitement liés : un auteur qui suscite
la fascination de quatre universitaires répondant au nom de Benno von
Archimboldi et une ville au Mexique ; Santa Teresa où depuis plusieurs
années sont commis des meurtres de femmes sans que la police locale ne puisse
avancer dans ses enquêtes.
Toute la puissance de la
pièce se situe dans le plus qu’habile mélange de la scénographie et de la
réécriture du texte d’origine. Entre images en temps réel empreintes d’une
véritable poésie, l’horreur et la violence parviennent à s’installer pour
mettre en place une atmosphère perturbante, le tout dans un espace constamment
en mouvement et une musique alternant entre électro lourde et morceaux presque
planants.Tout se joue sur la profondeur de la scène en articulant trois cubes
transparents d’une hauteur imposante. Gosselin
tend à mélanger trois arts magistraux : le cinéma, le théâtre et la
performance.
Dans cette volonté de jouer sur la pénibilité, la frustration,
l’infini, Gosselin parvient à mettre
en scène une pièce monstrueusement bouleversante – le spectateur gardera à
l’esprit l’éprouvante avant-dernière partie dite « La partie des
crimes » où sur l’écran centrale défilent les différents récits des
meurtres de Santa Teresa sur un fond sonore angoissant -.
On saluera la performance
des jeunes comédiens de la compagnie Si
vous pouviez lécher mon cœur non seulement parce qu’ils tiennent la
cadence, mais aussi parce qu’ils sont intensément bons, porteurs d’une énergie
plus que nécessaire.
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2666 © Simon Gosselin |