"Pour les parents, il est plus facile d'élever la voix que d'élever ses enfants."
Marc Favreau
© Estelle Hanania |
La pièce est blanche. Comme une espèce de boîte blanche clinique. Un lit. Huit mannequins sont placés ça et là. Des bonbons aux couleurs acidulées jonchent le sol. Le véritable bazar orchestré par un adolescent. Un petit poste de radio au pied du lit crache un morceau techno à pleine puissance. Les mannequins sont retirés un à un avec soin, en douceur.
Quelques minutes passent, par le fond du plateau, pénètre d'un pas lent le duo de femmes. Adèle Haenel entre la première. Julie Shanahan la suit. Adèle Haenel incarne le jeune Fritz, sa fratrie et ses amis. Julie Shanahan prend corps dans les figures parentales le père et la mère de Fritz mais aussi la mère d'un des amis de l'adolescent. Fritz ne va pas bien. On va sonder et identifier les racines du mal avec lui. Le mal est profond.
L'ambiance malsaine nous happe tout du long, grâce à un jeu de lumière très soigné d'Yves Godin qui bascule entre les couleurs vives rappelant les bonbons et le blanc clinique, cruel pour un enchaînement de tableaux . Le duo féminin secoue par la folie qui les dévore. Adèle Haenel impressionne dans ses multiples identités, toutes identifiables - grâce à une dissociation vocale - dans un même corps qui se métamorphose toujours plus sous nos yeux. Que ça soit dans ses mouvements, ses replis ou ses pulsations. Elle livre jeu puissant au service d'une pièce intense, dérangeante. Julie Shanahan donne tout dans les autorités parentales, elle déstabilise autant que sa partenaire, rappelant parfois la scandaleuse mère du roman de Georges Bataille porté à l'écran par Christophe Honoré en 2004 avec dans le rôle titre Isabelle Huppert.
L'ambiguïté exerce son magnifique pouvoir de fascination, les tableaux s'enchaînent en laissant planer un doute : et si Fritz était en train d'halluciner après sa tentative de suicide avortée ? Gisèle Vienne signe une mise en scène radicale et puissante, nous a convaincu d'une chose : l'eau trouble de L'étang n'a rien de tiède.