La luz de un lago @Théâtre de l'Odéon, le 09 Novembre 2025

Ce dimanche 9 novembre 2025 fut jour de découverte. J'assiste à mon premier spectacle du collectif El Conde de Torrefiel. Un spectacle qui ne peut être défendu comme une pièce de théâtre dans sa définition la plus basique ; une oeuvre littéraire destinée à être jouée devant un public. Avec La luz de un lago, on assiste à une performance aussi bien cinématographique que plastique. Les seuls comédiens seraient des techniciens, machinistes à l'exception peut-être d'une narratrice. 

© Mario Zamora

C'est sur le plateau de la scène de l'Odéon (Paris 6ème) que sont invités à s'asseoir les spectateurs. Pas à même le sol mais sur des gradins installés pour l'occasion. Le spectacle commence à partir du moment où nous est expliqué que nous allons voir un film d'amour. Plusieurs histoires se succèdent, sans lien les unes avec les autres, du moins, a priori. 

Finalement, se multiplieront les mises en abyme. Vraisemblablement, on assiste à un film d'images mentales. A l'écran sont projetés les dites histoires et on les lit comme dans un livre géant. On croisera les chemins amoureux de plusieurs couples, dans plusieurs époques. Et quand il ne s'agit pas de lire, c'est s'émouvoir d'images pixellisées voire des successions de "glitchs" - imperfections contrôlées - et de ressentir des vibrations intenses causées par une expérience sonore puissante sur fond d'Angel de Massive Attack puis de transe électro de boîte nuit anglaise des années 1990. 

La luz de un lago est un geste artistique non conventionnel, résolument tourné vers les sensations. Si on devait le revoir, il est possible que le ressenti ne soit pas à l'identique tant il joue avec les remous intérieurs. Une expérience vertigineuse, rare qu'il se faut vivre. Mais... ne dit-on pas la même chose de l'amour ? 

Les conséquences @Théâtre de la Ville, le 04 Novembre 2025

On pourrait dire que Pascal Rambert a une obsession pour les histoires familiales. Mais à y regarder de plus près, l'homme de théâtre éprouve une fascination pour le temps qui passe. 

© Louise Quignon

Dans sa nouvelle création Les conséquences présentée dans le cadre du Festival d'Automne à Paris, il s'est entouré de ses fidèles et de quelques nouvelles têtes. En résulte un casting pour le moins impressionnant mêlant ancienne et nouvelle génération d'acteurs : Jacques WeberAudrey Bonnet, Anne Brochet, Paul Fougère, Lena Garrel, Jisca Kalvanda, Marilú Marini, Arthur Nauzyciel, Stanislas Nordey, Laurent Sauvage et Mathilde Viseux. Tout ce beau monde aux couleurs vives - pour les personnages féminins - se retrouve comme confiné dans un barnum blanc clinique aux multiples sorties de secours - exit les portes qui claquent des vaudevilles, bienvenue à la toile qui se frotte aux zips à chaque passage ! -. De longues tables et des bancs laissant entendre qu'une cérémonie a lieu.  Le spectacle s'ouvre sur la famille réunie autour d'une urne funéraire au design peu commun : bleu en forme de goutte d'eau.  

Dans cette première partie d'une trilogie qui se promet monumentale dont le dernier volet est censé arriver en 2029, Pascal Rambert interroge nos engagements sous toutes ces formes, des impacts de nos actes présents comme passés à travers le prisme d'une famille vraisemblablement bourgeoise. Ils ont tous des parcours scolaire hors norme : ENA, Ecole normale supérieure ou encore Ecole alsacienne au minimum. Chacun est peut-être un symbole de réussite mais jamais de fierté. 

Comme souvent chez Rambert, la famille a de véritables soucis de communication. Un amour-haine entretenu sur la durée. S'écouter ne vaut pas s'entendre. Deux verbes liés par l'idée même d'un respect mutuel, d'une présence véritable. Dans les familles fictives de Rambert ça n'existe tout simplement pas : on hurle, on pleure, on s'époumone mais, on réfléchit, beaucoup.

Si parfois le raisonnement politique est quelque peu convenu et attendu, le jeu y est profondément brillant. On ne peut s'empêcher de rire lorsqu'Arthur Nauzyciel sort de ses gonds sur fond d'aversion pour les magasins Desigual et Pylones, on est séduits par le magnétisme de Laurent Sauvage, touchés par le grandiose de Jacques Weber, le merveilleux duo Bonnet/Nordey - bien que les cris de la première peuvent vraiment crever nos tympans -, la tendresse juste de Marilú Marini dont on se délecte de l'accent italien qui s'invite à la fête, la sincérité d'Anne Brochet et se révèlent devant nous l'ensemble des jeunes talents que sont Paul FougèreLena GarrelJisca Kalvanda et Mathilde Viseux. S'ils courent souvent partout, c'est le moment dansé qui les réunira. Il nous tarde de découvrir la suite.