Interview Stéphane Guillon


Entre deux représentations du spectacle La société des loisirs, l’humoriste me retrouve dans le hall du Petit Théâtre de Paris. Pour réaliser mon interview nous nous dirigeons vers un endroit tranquille ; le restaurant Les Comédiens. Vêtu d’une veste en cuir et de sa célèbre casquette, Stéphane Guillon est Monsieur Tout le monde. Nous entrons dans le restaurant, il est connu du lieu, nous nous asseyons à une table éloignée de l’entrée. Il commande un Coca-Cola et nous démarrons notre discussion. 

                                                                  ♫ Jacques Dutronc - L'Opportuniste ♪


·         Bonsoir Monsieur Guillon…

Bonsoir !

·         J’ai appris que ça a mis cinq ans pour trouver le théâtre qui abritera le spectacle. Quels étaient les motifs de refus ?

De cette pièce-là ? (La société des loisirs) J’suis pas capable de vous répondre parce que c’est pas moi qui m’en suis occupé. C’est Philippe Caroit qui a découvert la pièce au Québec et qu’il a adapté pour ici. Et qui après a du trouver un théâtre. Je sais qu’il a eu du mal. J’pense que c’est le texte qui a du refroidir certains théâtres.

·         Cette pièce bouleverse un peu les « codes » du bonheur en couple mais aussi du bonheur de manière générale. Pensez-vous que la vision du bonheur en couple est amenée à changer pour les prochaines générations ?

Je pense que c’est déjà fait. Dans le sens où, je ne sais pas jusqu’où finalement… Le progrès, à tout va, a rendu l’Homme heureux. Je pense qu’y a, à un moment donné, un excès de progrès le rend malheureux.

·         Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans votre personnage ?

Peut-être ça. Le fait qu’on pense que… Il a une image de beauf, de personnage superficiel et finalement… En tous cas, moi j’en ai fait quelqu’un de plus complexe et de plus désespéré.

·         Qu’est-ce qui vous a fait accepter le rôle ? C’est ce personnage-là…

Oui ‘fin c’est un ensemble de choses, c’est à la fois le texte, le théâtre, Stéphane Hillel qui est à la fois le directeur de ce théâtre où j’y ai joué moi aussi mon spectacle et le fait que j’avais envie de travailler avec lui. Et c’est un très bon metteur en scène. Aussi que j’ai eu envie de travailler avec Cristiana Reali. Y avait pas mal de choses qui ont fait que ça me plaisait bien quoi.

·         Souhaiteriez-vous poursuivre au théâtre, puisque vous avez joué dans Inconnu à cette adresse, La société des loisirs et bien sûr vos one-man shows, dans un autre registre ?

J’aimerai bien essayer un classique. Un vrai classique alors ça pourrait être un Molière ou … Oui j’aimerai bien revenir je dirai pas à mes premiers amours mais presque puisque moi j’ai une formation de théâtre très classique parce que j’en ai fait beaucoup hein. Et ça, j’crois que c’est quelque chose qui m’plairait bien. (…) Je raisonne en termes de rôle, qui m’attirerait.

·         Comment s’est passé le tournage de votre film Les Âmes de papier (sortie le 25 Décembre) ?

Ca s’est plutôt bien passé. Parce que l’équipe était extrêmement sympathique. Des Belges. Grosse partie Belge. Mais j’dis ça parce que… Ils sont extrêmement détendus, extrêmement sympathiques… J’pense que le cinéma ici peut souffrir d’un système de classes. Les vedettes d’un côté… En tous cas moi sur les films que j’ai fait c’était plus… Les rapports entre les gens étaient plus segmentés que là où… C’est des gens plus joyeux qui se prennent pas la tête. Ils sont assez simples et assez directs dans leurs rapports aux autres… Moi j’aime beaucoup les Belges, j’aime beaucoup la Belgique… Bruxelles… Là où on a tourné. Donc je pense que cette ambiance-là a fortement contribué à la bonne ambiance du film.

·         Vous vous êtes amusé à jouer avec Pierre Richard ?

Oui totalement parce que… Il fait partie de mes pères spirituels quoi… Je trouve qu’il a un vrai sens du comique. Le comique c’est du rythme. Pierre Richard, il sait exactement ce qu’il faut faire dans un écran, dans un cadre pour provoquer le rire chez le spectateur. C’était le cas y a trente ans, quand il tournait dans ses plus grands succès dans les années 80. Aujourd’hui vous montrez les films à quelqu’un qui ne l’a pas connu, ces années 80. A un enfant  par exemple, il va rire aux mêmes endroits et de façon aussi puissante.

·         Vous aimeriez rejouer avec Pierre Richard ?

Oui mais c’est en projet…

·         Vous pourriez m’en dire un peu plus ? Ou pas du tout ?

Non parce que j’en sais moi-même pas beaucoup plus. Je sais qu’il y a des gens qui sont en train d’y travailler, qui sont en train de réfléchir autour d’une idée pour nous deux… Parce qu’ils ont été très séduits par ce rapport qu’on a eu. Ils ont envie de le développer plus. Mais j’en sais pas plus.


·         Est-ce que la réalisation vous tenterait ?

Non…

·         Plutôt le jeu…

Oui. Parce que la réalisation c’est quelque chose qui m’échappe, je crois. J’fais déjà beaucoup de choses ; la radio, du spectacle, du théâtre, du one-man show, de la télé, de la presse… Non non…  A chacun son métier !

·         Souhaiteriez-vous revenir à la télé comme vous faisiez pour Ardisson ?

A priori non. ‘fin faut jamais dire « Fontaine je ne boirai jamais de ton eau » mais… A priori je l’ai beaucoup fait. J’ai pris beaucoup de plaisir à le faire et j’suis arrivé à un moment d’ma vie où j'ai envie de faire d’autres choses…

·         Que pensez-vous de votre remplaçant à Salut Les Terriens (Gaspard Proust, qui lui a d’ailleurs donné la réplique pour Inconnu à cette adresse) ?

Je pense qu’il est bien. Il est très bien. J’ai pas à noter mes camarades mais je crois qu’il a su imposer son style. Ce qui était pas évident parce que je pense que j’avais fortement imprimé le mien. C’est toujours difficile d’arriver après quelqu’un qui a imprimé un style. Parce que dans un premier temps vous allez souffrir beaucoup de la comparaison. De façon juste et parfois injuste. 

Gaspard, il a su trouver son credo, imposer son style, son rythme, qui est différent du mien. Il a pas de fiches, il y a pas d’applaudissements à chaque fois, il est pas en brèves, il est en texte. Et je crois que ça plait puisque ça fait deux ans qu’il y est. Et la télévision n’est pas un milieu de tendres. 

Si
Gaspard n’avait pas trouvé son public, ils l’auraient pas reconduit une année de plus. Il a un style, pour conclure sur Proust, il a son propre style à lui, il a une véritable écriture. Et moi j’suis sensible à l’écriture de la même façon j’aime Desproges, j’aime François Rollin, j’aime les humoristes qui ont une écriture, qui ont un style, qui ont une musique…Voilà pour moi les grands humoristes ont une musique !

·         Parlant musique, est-ce que vous auriez une chanson à proposer pour la lecture de l’interview ?

Euh… J’sais pas mettez L’Opportuniste de Jacques Dutronc

·         Merci beaucoup !

Bah merci à vous ! 





Je souhaite dédier cette interview à Renaud Santa Maria.



Abd Al Malik rencontre Camus « L’art et la révolte » @Théâtre du Châtelet, le 16 Décembre 2013


A l'occasion du centenaire du philosophe Albert Camus et après une tournée en province, le spectacle Abd Al Malik rencontre Camus « L’art et la révolte se pose à Paris pour une date unique.   

Une voix off. Celle de Camus qui lit quelques extraits de L’Envers et L’Endroit. Lever de rideau.
Le slammeur part à la rencontre de l’écrivain-philosophe Albert Camus. Il s’inspire de sa première œuvre L’Envers et L’Endroit d’où naissent des textes poétiques autour de thématiques qui réunissent les deux hommes ; la pauvreté, le travail et la complexité de l’existence mais aussi de l’enfance. Le slammeur exécute son art accompagné d’un pupitre. Il est accompagné d’un danseur talentueux, d’un groupe puis pour finir d’un orchestre dont le pianiste Gérard Jouannest fait partie. Il sera accompagné également le temps d’un morceau de Juliette Greco.

Abd Al Malik raconte son enfance, ses blessures mais aussi sa colère. Les arts se réunissent sur la scène : la vidéo, la danse et la musique. 
Il revisite son titre phare Gibraltar qui fait taper des mains le public séduit et envoûté par l'univers dans lequel il est transporté. Le spectacle s’achève sur la lecture d’une lettre que le chanteur aurait aimé adresser à Albert Camus. Le portrait de ce dernier apparaît sur le rideau en noir et blanc.Le slammeur termine le spectacle sur la célèbre citation « l’art et la révolte ne mourront qu’avec le dernier des hommes ».
 
Le public est debout, très heureux, applaudit l’artiste. 



Le spectacle dans son intégralité est visible ICI

Perplexe @Théâtre du Rond-Point, le 05 Décembre 2013


Perplexe est une pièce totalement déjantée. Du début à la fin c’est l’absurde au plus haut point.
La pièce de l’allemand Marius Von Mayenburg est revisitée par Frédéric Bélier-Garcia et interprétée par un quatuor de choc : Valérie Bonneton, Samir Guesmi, Christophe Paou et Agnès Pontier.
Le décor proposé rappelle d’ores et déjà le cliché de la comédie de boulevard ; un canapé, un aquarium, une véranda. Eva (Valérie Bonneton) et Robert (Samir Guesmi) reviennent de vacances, ils retrouvent leur domicile et leurs habitudes de couple en commençant par une dispute sur les factures d’électricités impayées. Et là, surprise ! Leur couple d’amis Sébastian (Christophe Paou) et Judith (Agnès Pontier) responsables  de leur appartement pendant leur absence sont encore là ! Ils y ont pris leurs aises. Soudainement tout bascule. Le décor, les personnages, tout est chamboulé ! Chacun des personnages remet en cause sa propre identité. Au passage ils s’interrogent sur leurs propres existences (la théorie de Darwin, l’allégorie de la caverne…).
Toute la pièce tendra à la destruction progressive du décor qui créée l’illusion théâtrale, remise en question elle aussi.
Les dialogues sont interprétés de manière naturelle. Tellement naturelle que ce qu’il y a de plus tragique fait rire le public. On félicitera donc le quatuor de comédiens pour cette pièce qui ne vous laissera pas perplexes.
Frédéric Bélier-Garcia le dit lui-même et c’est une excellente manière de résumer : 
« C’est une comédie absurde, ou plutôt une pièce sur l’absurdité de l’identité et du théâtre même». 

Les Damnés de la Terre @TARMAC, le 04 Décembre 2013


« L’Homme doit revendiquer et affirmer son humanité illimitée » 

Les premières secondes vous feront très certainement frissonner. Les six silhouettes alignées dans l’obscurité derrière des grilles ne peuvent pas vous laisser indifférents.
L’ouvrage de Frantz Fanon, véritable cri de guerre contre toutes les formes de colonialisme prend vie. Jacques Allaire s’empare des écrits et met en scène la rage humaine.
La pensée de l’auteur a été interprétée au plus juste.
Sur une création sonore terrifiante, les comédiens évoluent dans un espace chaud. Tantôt hospice, prison ou tout simplement enfer terrestre, ils montrent un engagement certain. L’ouverture et l’éclaircissement sont progressifs. Métaphore d’un état d’esprit ?
Ils sont quatre hommes et deux femmes, peints en noir, à se rouler dans la terre ou se laver dans l’eau, ils n’hésitent pas à jouer des masques.
Allaire livre ainsi une mise en scène poignante, tout comme le texte original amène à réfléchir sur ce sentiment horrible qu’est le racisme. 






Note: J'écris cet article en apprenant que Nelson Mandela s'est éteint. S'il a disparu, son combat restera gravé dans nos mémoires et nos cœurs

Trois sœurs @Théâtre Studio (Alfortville), le 28 Novembre 2013


Christian Benedetti est toujours dans son cycle Tchekhovien. Après La Mouette en 2011 et L’Oncle Vania en 2012, le metteur en scène propose Trois sœurs. L’aventure commence au pas de course. Et la course est loin d’être au ralenti !
La scénographie n’est pas bien compliquée : une grande table, pas moins de douze chaises, un piano et quand on change de salle, deux lits, deux paravents. Cette simplicité de mise en scène donne un ton contemporain à la pièce.  La course étant vive, elle fait écho à notre angoisse du temps qui s’écoule si rapidement. Pourtant il arrive que le temps soit suspendu en l’espace de quelques secondes par l’intermédiaire d’arrêts sur image.
Les personnages n’ont pas de psychologie mais des caractères et des structures mentales si l’on respecte les mots du metteur en scène. Ces structures mentales qui permettent de créer des espoirs pour les voir aussitôt se détruire. L’impuissance des sœurs face à la situation est remarquable.
La progression dramatique est ponctuée par quelques moments comiques où le rire reste amer.
La scène finale est bouleversante. Les trois sœurs alignées nous regardent, nous traversent presque d’un seul regard.