© Christophe Raynaud de Lage |
Avignon 2021, l'espagnole Angélica Liddell faisait déjà sensation à l'Opéra Confluence. Quelques mois plus tard, elle investit l'Odéon. La grande salle de l'Odéon se transforme le temps de quelques soirs en ruedo ocre aux talenquères et burladero assortis. Dès les premières minutes, on assiste à une succession de deux tableaux muets - dont un avec un homme traîné par des chats - avant de voir le spectacle s'ouvrir sur un dernier tableau où l'artiste espagnole assise, se livre à ce qui pourrait s'apparenter à des ablutions sanguinolentes sur fond d'Asingara des soeurs Las Grecas tout en s'offrant de généreux verres de vin rouge.
Prêtresse ténébreuse, Angélica Liddell offre un jeu qui mêle l'amour, la mort et le sang. Violence et beauté métaphysique, cynisme et révolte, Liddell exprime sa douleur, sa colère dans une performance totale. Le temps d'une logorrhée, elle s'étend sur le rapport de son public à son travail et par extension à sa personne. Elle s'en prend aussi bien aux actrices qu'à ses spectateurs - qu 'elle estime être composé de "femmes et de pédés" -. Si la provocation fonctionne quelques minutes, elle peut agacer sur la longueur. Mais très vite c'est la poésie du jeune prodige Rimbaud, le pessimisme amer de Cioran et la pensée d'Artaud qui succèdent.
En fond non loin d'ici, le torero Juan Belmonte rôde tel un esprit double de l'artiste. C'est d'ailleurs sa formule "L'odeur du sang ne me quitte pas des yeux" qui fera office de sous-titre du spectacle. Plus tard, la maîtresse de cette cérémonie obscure fera face à un taureau grandeur nature. Le rapport qu'ils entretiennent contient quelque chose de l'ordre du charnel. Le rite s'achève sur une danse heureuse en duo.
Liebestod est une création aux accents romantiques - spiritualité et mélancolie en fils rouge sang - poignante, bouleversante tant elle remue des mécanismes de la douleur intérieure.
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