Attention spectacle grotesquement rock'n'roll ! Public pur et chaste s'abstenir.
Le metteur en scène allemand Frank Castorf dynamite Racine en faisant le choix de faire intervenir Antonin Artaud et Pascal. On transposerait bien volontiers la chanson devenue slogan Sex & drugs & Rock'n'Roll en Jeanne Balibar, pot-au-feu et mystérieux chant bulgare.
Sur le plateau, une hutte aux allures de burqa côté jardin, un cabanon qui s'apparente à une sorte d'épicerie cantine ouvert 7j /7 et 24h/24 à l'image du Sultan Amurat au regard laser côté cour. Petite provocation dans le paysage, rien de plus. Les comédiens vont et viennent dans les deux espaces. Quand ils sont en intérieur, c'est l'écran au-dessus du plateau qu'il faut regarder.
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© Mathilda Olmi |
Présenté à la Maison de la Culture de Seine Saint-Denis en 2019, le spectacle a été reprogrammé et a trouvé naturellement sa place dans la programmation de la 50ème édition du Festival d'Automne. Quel joyeux bazar que ce Bajazet revu et corrigé par
Castorf ! Et le mélange des genres opère merveilleusement ; les plus beaux vers de la langue de
Racine s'entrechoquent contre les mots les plus primaires d'
Artaud - dont la voix surgira d'un transistor de l'épicerie -. Le tout dans un ton moqueur, caricatural à l'extrême mais jamais ridicule.
Jeanne Balibar, figure centrale nous happe. Si elle est certes malmenée dans ce spectacle, elle donne tout et se métamorphose aussi bien physiquement que dans sa diction. Nous nous arrêterons un instant sur
Sava Lolov -
remplaçant un
Jean-Damien Barbin souffrant - qui n'a pas eu trop le choix que d'apprendre son texte au pied levé. Il embarquera ses répliques avec lui sur le plateau et ça fonctionne davantage sans s'épuiser.
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© Mathilda Olmi |
Bajazet sans son duo de conspirateurs n'est pas un vrai
Bajazet. Interprétés par
Mounir Margoum - dont le travail sur les modulations de sa voix lors des cris dans ce spectacle est remarquable, l'essayiste marseillais en serait ébloui - et la figure montante du théâtre contemporain
Adama Diop, les deux loubards ont des apparences de petits caïds des cités mais en un peu plus classieux. Ils apportent un degré de plus dans la satire. Dernière comédienne non sans talent,
Claire Sermonne offre une interprétation excellente d'Atalide, ses mimiques - sa grande session de crachats à répétition est une folie -, sa gestuelle, grandiose.
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